Relance : les Régions à la manœuvre

Le plan France Relance ne sera une réussite que s’il s’appuie sur les collectivités. Pour une fois, tout le monde semble en être conscient, même au plus haut niveau de l’Etat. Décryptage.

 « C’est dans les territoires et notamment les régions, que se trouvent les réponses à la crise ». Cette phrase n’émane pas d’un président de Région ni d’un éditorialiste de Régions Magazine, mais bien du Premier ministre Jean Castex, lors de la signature de l’accord « historique » entre les Régions et l’Etat, le 28 septembre à l’Hôtel de Matignon.

Une phrase qui n’était guère envisageable dans les trois années qui ont précédé la signature de l’accord. On n’imagine pas le Premier ministre de l’époque Édouard Philippe, qui n’a eu de cesse de rogner les compétences (apprentissage), les prérogatives (contrôle des budgets) et les moyens financiers (développement économique) des Régions, se lancer dans un tel dithyrambe. Alors, changement de ton, comme nous le titrons en première page de ce numéro ? Ou changement de paradigme, comme si après trois années de recentralisation larvée, l’exécutif avait enfin choisi de s’appuyer davantage sur les collectivités locales, pour se consacrer de manière plus efficace à ses fonctions régaliennes. Dans ce cas, la terrible crise liée au Covid-19 que la France traverse depuis sept mois n’aurait pas été totalement inutile…

Cette signature du 28 septembre, ce consensus marqué par la présence de tous les présidents de Régions de métropole ce jour-là à Matignon, est d’autant plus méritoire que le même jour, le président de Régions de France Renaud Muselier partait en guerre contra la décision, jugée inique, prise par le ministre de la Santé Olivier Véran sans aucune concertation préalable, de fermer les bars et restaurants de l’agglomération marseillaise… Une attitude qui dit bien tout le chemin qu’il reste à parcourir pour certains membres de ce gouvernement, pour qui la « concertation » s’arrête aux portes de leur ministère.

C’est pourtant un tout autre langage que tient Bruno Le Maire dans l’interview qu’il a accordée à Régions Magazine, et que l’on peut lire dans les pages qui suivent. « Que ce soit clair, ma philosophie, c’est de travailler main dans la main avec les Régions », y affirme-t-il avec vigueur, et la vérité oblige à écrire que le ministre de l’Economie, et désormais de la Relance, n’avait pas attendu les derniers événements pour travailler en parfaite harmonie avec les collectivités. Le président de Régions de France ne s’y est d’ailleurs pas trompé : « Dans un esprit de confiance, pour la relance et pour agir unis face à une crise sanitaire, sociale et économique d’une très grande ampleur, nous ouvrons aujourd’hui avec Jean Castex un nouveau chapitre de la décentralisation française », a lancé Renaud Muselier au moment de signer l’accord « historique ».

Reste un chapitre délicat à ouvrir : comment articuler le plan France Relance, présenté par le Premier ministre le 3 septembre par Jean Castex, avec tout ce qui a déjà été mis en place par les Régions, sans obérer le formidable travail qu’elles ont accomplies dès le début de la pandémie ? Dans un prmier temps, pour se porter au secours des populations sur le plan sanitaire en livrant massivement des masques dont elles étaient dépourvues, et sur le plan économique en apportant des aides d’urgence aux entreprises les plus durement touchées.

Une bonne dose de volonté et d’optimisme

Depuis, chaque Région ou presque a voté son propre Plan, à l’image du Business Act porté par la Région Grand Est qui qui recevra cette année le Trophée de l’Innovation Régions Magazine dans la catégorie « Développement économique », dont la démarche est à la fois originale, concertée et œcuménique. Il va donc falloir faire fonctionner ensemble la volonté gouvernementale de relancer l’économie par la dépense et la mise en œuvre de projets sur le terrain, et le plus vite possible, et celle des Régions de poursuivre l’effort entrepris. Cela passera forcément par une nouvelle utilisation des CPER (Contrats de plan Etat-Régions) (lire en encadré).

On lira dans notre dossier un petit – et forcément incomplet – florilège des initiatives déjà prises par les conseils régionaux, plus que jamais à la manœuvre, pour relancer ou soutenir leurs économies. De la Bourgogne-Franche Comté qui s’est lancée elle-même dans la fabrication de masques, jusqu’à la Corse qui tente le tout pour le tout pour sauver son tourisme, en passant par l’Auvergne-Rhône-Alpes qui commence à attirer des sièges sociaux d’entreprises jusqu’alors installées à Paris, en passant par la Normandie qui veut relancer sur ses terres la culture du lin, il y en a vraiment de toutes les couleurs. Et tout sera bon à prendre dans la période chaotique qui s’annonce, où, malheureusement, les plans de licenciement risquent de se succéder.

On lire aussi avec intérêt les propos d’une dizaine de « grands témoins » qui racontent comment leur entreprise ou leur institution a traversé le Covi-19. De Transdev à Enedis, de la SNCF à Orange, Il ne ressort une formidable dose de volonté et d’optimisme, celle de passer ce cap ultra-difficile, et de tirer le meilleur cette épreuve, pour améliorer encore les performances des uns et des autres. Le genre de discours dont, en ces temps si difficiles, nous avons tous grand besoin.

Philippe Martin