Nouveau cri d’alarme pour l’apprentissage
Régions de France et les Chambres des Métiers et de l’Artisanat s’inquiètent sur les conséquences de la loi Pénicaud.
Philippe Martin
Régions de France et les Chambres des Métiers et de l’Artisanat s’inquiètent sur les conséquences de la loi Pénicaud.
Nul n’a oublié, à Régions de France, les difficiles négociations sur l’apprentissage débouchant sur la loi du 5 septembre 2018 “Pour la liberté de choisir son avenir professionnel”. A l’époque, la ministre du Travail Muriel Pénicaud avait fini par imposer ses vues. Muriel Pénicaud qui, entre parenthèses, siège aujourd’hui au conseil d’administration du puissant groupe d’enseignement supérieur privé Galileo Global Education, lequel a largement bénéficié de la “loi Pénicaud”.
A l’époque, les présidents de région avaient tiré la sonnette d’alarme à de multiples reprises. Certes, les dispositifs contenus dans la loi, en particulier les aides financières incitatives à l’embauche d’apprentis, allaient booster les chiffres de l’apprentissage : +45 % en 2020, +38 % en 2021, avec une nette baisse par la suite (+13 % en 2022). Tout en creusant au passage un déficit abyssal pour France Compétences, l’organisme chargé de son financement. Mais l’autre crainte des présidents de région reposait sur le fait que la loi allait d’abord bénéficier au niveau de formation du supérieur, ce qui n’était pas l’objectif recherché, s’agissant notamment des métiers en tension dans les BTP, l’industrie ou le tourisme, entre autres.
Et c’est exactement ce qui s’est produit : les entrées en apprentissage dans le supérieur ont dépassé les 60 % (au lieu de 40 avant la loi Pénicaud). D’où le nouveau cri d’alarme poussé, cette fois conjointement, par les Régions de France et CMA France. D’un côté François Bonneau, président de la Commission formation à Régions de France (et président du Centre-Val de Loire), et Joël Fourny, président de CMA France, ont lancé un appel au gouvernement à « prendre de toute urgence les mesures qui permettront de préserver et de renforcer l’apprentissage aux premiers niveaux de qualification. Ce sont les niveaux pour lesquels ce dispositif de formation est le plus efficace pour une insertion durable dans l’emploi. »
Inquiétude renforcée par les dernières décisions du gouvernement en matière de régulation de la dépense en faveur de l’apprentissage. Des mesures qui selon les signataires de l’appel, vont « aggraver ce déséquilibre. La baisse des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage réalisée au mois de septembre 2023 s’est concentrée sur les formations de niveau 3, alors même que France Compétences a relevé que ce sont celles dont le coût s’est renchéri le plus entre 2021 et 2022 (+ 10,2 %) ».
Les signataires de l’appel craignent que dans un avenir proche, les CFA de Chambres des métiers et de l’artisanat soient contraints de fermer les sections de formation qui ne seront plus équilibrés financièrement, voire de fermer des sites entiers de formation.
Et de rappeler au passage que pour l’artisanat, l’apprentissage « joue un rôle capital pour la formation de métiers en proximité, et pour la vitalité économique dans les territoires ». Le risque ? Que « si les effets désastreux de ces baisses ne sont pas très rapidement corrigés, l’apprentissage ne puisse plus jouer son rôle en faveur de l’emploi des jeunes et du développement des entreprises, en particulier des territoires ruraux et des quartiers politique de la ville. »
Des arguments largement développés auprès de la ministre de l’époque… Pour les signataires de l’appel, il s’agit cette fois de « sauver la rentrée 2024 », et d’ouvrir une concertation annoncée pour la fin 2023, mais toujours pas lancée.
Le chiffre
37 %
Le nombre d’apprentis formés l’an dernier aux niveaux 3 et 4 (CAP et Bac). Ils étaient 75 % il y a dix ans.
Philippe Martin