Dominique Faure veut repenser les aides européennes avec les Régions
Ministre des Collectivités mais aussi de la Ruralité, Dominique Faure souhaite que tous les territoires, et notamment les plus ruraux, bénéficient davantage des fonds européens. Elle explique comment à Régions Magazine.
Philippe Martin
Les collectivités, elle les connaît de l’intérieur. Élue puis réélue maire de Saint-Orens-de-Gameville, commune du Lauragais (Occitanie), première vice-présidente de la métropole de Toulouse de 2020 à 2022, Dominique Faure est, depuis 2022, secrétaire d’État, puis ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité.
A ce titre, elle représentait la France lors du dernier Sommet européen des Régions et des villes, à Mons (Belgique). C’est là qu’elle a répondu aux questions de Régions Magazine à propos de la relation, riche mais parfois insuffisante, entre les collectivités françaises et l’Europe.
Régions Magazine : 70 % des décisions de l’Union européenne sont mises en œuvre par les élus locaux. Ne faudrait-il pas valoriser davantage l’action du Comité européen des régions, qui rassemble les élus régionaux et locaux de toute l’Europe, et qui organise ce Sommet ?
Dominique Faure : Il est évident que les travaux du Comité européen des régions présentent un grand intérêt, et qu’il me parait extrêmement précieux dès lors qu’il s’agit d’accompagner les élus locaux dans leurs démarches liées à l’Europe, aux décisions de l’UE et à la recherche de fonds européens.
Sa limite, c’est qu’il s’agit d’un organe consultatif, et non pas décisionnaire. Pour renforcer son efficacité, il faut donc que sa voix soit davantage entendue, au niveau de la Commission européenne mais pas seulement. En tant que ministre en charge de la Ruralité, j’irai même plus loin : il faudrait qu’il accompagne davantage les élus des territoires ruraux, dont beaucoup n’ont pas conscience de l’intérêt de l’Europe dans les décisions qui concernent leurs propres territoires.
Personnellement, je ne souhaite pas que la réussite de l’Europe n’apparaisse de façon claire que dans les grandes villes étudiantes via la réussite du programme Erasmus… même s’il s’agit bien entendu d’un succès incontestable !
« La politique de cohésion s’avère le meilleur instrument européen pour que tous les territoires puissent engager leurs transitions climatiques, numériques et démographiques. »
RM : Pensez-vous, en tant que ministre des Territoires, que la politique de cohésion et l’attribution des fonds structurels, gérés notamment par les Régions, doivent être poursuivies, voire amplifiées pour la période post-2027 actuellement en cours de négociation ? Et si oui, pour quel usage ?
DF : Il me semble que la politique de cohésion, telle qu’elle a été pensée initialement, répond toujours au processus d’intégration européenne, à travers son objectif de cohésion économique, sociale et territoriale. Elle s’avère le meilleur instrument européen pour que tous les territoires puissent engager leurs transitions climatiques, numériques et démographiques.
Cette capacité de la politique de cohésion à être plus proche des citoyens européens, c’est un atout que nous devons cultiver et maintenir.
Pour cela nous devons travailler la simplification et l’intégration ; cela reste finalement le plus compliqué puisque nous en parlons à chaque période de programmation et que cela apparait pourtant de plus en plus complexe.
Pour autant, il me semble que nous devrons, d’ici à 2027, repenser avec les Régions notre capacité à atteindre la diversité des territoires et des acteurs locaux. Il y a des exemples et des démarches qui me semblent devoir être retenues. Je souhaite pouvoir travailler avec Régions de France et l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) à identifier ces bonnes pratiques.
RM : Comment, en tant que ministre en charge de la Ruralité, pensez-vous pouvoir développer l’utilisation de ces fonds par les élus locaux et les territoires ruraux, qui en sont souvent privés notamment par manque d’information, ou à cause de la lourdeur des procédures, alors qu’ils en auraient réellement besoin ?
DF : C’est exactement le point que j’évoquais. Nous devons être attentifs à ce que la politique de cohésion puisse pleinement jouer son effet levier et aider les territoires qui en ont le plus besoin.
Certaines règles et certaines habitudes, accumulées avec les années, oublient ce qu’est la vocation première de la politique de cohésion. C’est en particulier le cas pour les territoires ruraux, les territoires spécifiques (îles, montagnes, transfrontaliers, ruraux, à très faible densité de population, etc.) définis à l’article 174 du TFUE (NDLR : Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), mais aussi dans une autre mesure les régions ultrapériphériques.
Si nous souhaitons que la politique de cohésion perdure, nous devons améliorer l’accès aux fonds structurels des territoires qui ont besoin d’investissements plus que les autres. Pour les autres, plus armés en ingénierie, il y a et il y aura d’autres dispositifs qu’ils seront en mesure de mobiliser.
C’est mon devoir d’ouvrir cette réflexion avec les Régions, dans le cadre de l’INCOPAP, mais aussi plus largement avec les associations d’élus et d’acteurs des territoires.
Propos recueillis par Philippe Martin
Qu’est-ce que l’INCOPAP ?
L’instance nationale de concertation partenariale (INCOPAP) est co-présidée par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et par Régions de France. Elle réunit une centaine de représentants de l’État, des collectivités territoriales, des partenaires sociaux et des acteurs de la société civile. Elle est notamment en charge de négocier l’accord sur les fonds de cohésion de l’UE.
Retrouvez l’intégralité de l’interview dans le prochain numéro (171) de Régions Magazine