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Philippe Martin
22/04/2022
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Pour le ministre de l’Éducation nationale, « les lycéens sont dans leur très grande majorité satisfaits de la réforme » du lycée.

« Nous avons cherché à associer les Régions »

Le ministre de l’Éducation nationale se félicite des réformes engagées durant son quinquennat. Et du rôle joué par les Régions, notamment en matière d’orientation.

Lui aussi aura, à sa façon, mené à bien son quinquennat. En restant en poste pendant cinq ans, Jean-Michel Blanquer a battu le record de longévité pour un ministre de l’Éducation nationale. Et pourtant les coups ne l’ont pas épargné tout au long de la mandature, au fil des réformes qu’il a menées à bien, parfois dans le consensus, le plus souvent sous le feu des critiques.

Il y a trois ans, le ministre avait accordé une longue interview à Régions Magazine. Il a accepté de se livrer de nouveau à cet exercice.

Régions Magazine : En 2021, les Régions ont consacré 7,2 milliards d’euros aux lycées et aux lycéens, soit plus de 16 % de leur budget. Mais elles estiment avoir “subi” la réforme du lycée impulsée par le gouvernement. Elles regrettent que cette réforme n’ait pas été davantage coconstruite en amont avec elles. Davantage de concertation n’aurait-elle pas été utile ?

Jean-Michel Blanquer : je l’ai dit à plusieurs reprises, les Régions jouent un rôle essentiel dans la vie des lycées. C’est pourquoi nous avons cherché à les associer dès le départ à cette réforme, notamment à travers l’action du comité de suivi de la réforme que pilotait Pierre Mathiot. Je crois que cette réforme a réellement été coconstruite ; après, il s’agit d’une réforme modulaire, qui peut trouver des déclinaisons différentes selon les territoires, et les Régions sont invitées à travailler au cas par cas avec les Rectorats concernés.

Dans le même sens, nous avons instauré un comité de suivi de la réforme du baccalauréat, qui fait des propositions en concertation avec les Régions. C’est pourquoi j’avoue que je ne comprends pas cette critique, d’autant que je travaille bien avec Régions de France et avec le Président de sa commission Formation François Bonneau, agissent dans un esprit très constructif.

RM : Même s’il est sans doute un peu tôt pour en dresser un bilan définitif, estimez-vous cette réforme réussie ?

J-MB : Plusieurs enquêtes démontrent que les lycéens sont, dans leur très grande majorité, satisfaits de cette réforme. Elle leur accorde davantage de liberté dans leurs choix, leur permet d’intégrer de nouvelles matières comme l’informatique ou la géopolitique, et répond pour l’essentiel à ce qui était notre préoccupation majeure : préparer l’après-baccalauréat, en haussant le niveau global des élèves. Les programmes sont plus exigeants car ils sont choisis par les élèves.

RM : Et du côté des enseignants ?

J-MB : Il y a eu, et c’est logique, des questionnements, des inquiétudes que les organisations syndicales ont pu exprimer au comité de suivi. Cette réforme représentait beaucoup de changements pour tous les acteurs du système scolaire, d’autant que nous l’avons menée à bien en pleine crise du Covid. Aujourd’hui, les spécialistes de notre système éducatif reconnaissent qu’elle a entraîné une transformation profonde et nécessaire, qui a permis de revaloriser le baccalauréat et de rehausser le niveau de compétences de nos élèves.

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Jean-Michel Blanquer a reçu Régions Magazine au siège du ministère, rue de Grenelle. Photos Hugues-Marie Duclos Régions Magazine.

RM : En mai 2019, l’Etat et les Régions ont signé un accord-cadre confiant aux Régions l’information sur l’orientation destinée aux élèves des lycées. Depuis, les Régions ont pris le taureau par les cornes, développant les “Orientibus”, créant des Agences de l’orientation, des “Ambassadeurs des métiers” qui rendent visite aux lycéens… Le ministère suit-il les évolutions de cette réforme ?

J-MB : Bien sûr, nous regardons tout ce qui se fait, et qui correspond très précisément à l’esprit de la réforme : permettre aux Régions d’être acteurs de l’orientation, en faisant preuve de mobilité, d’une réelle approche créative, dans une recherche pragmatique menée avec les métiers qui recrutent et les filières qui permettent d’y accéder. Notre objectif est d’avoir une présentation régulière des métiers aux élèves dès l’âge du collège.

Ce premier objectif est amorcé, cela a renforcé la coopération entre l’Education nationale, les Régions et les acteurs économiques. Et commencé à résoudre ainsi une de nos difficultés majeures, la trop grande inadéquation entre la formation initiale et les besoins du monde du travail.

RM : Dans cet esprit, vous avez cosigné le 18 novembre dernier, avec Carole Delga, présidente de Régions de France, une lettre à l’attention de tous les chefs d’établissement, lycées et collèges pour les inviter à sensibiliser davantage les enseignants aux réalités du monde économique. Qu’en attendez-vous ?

J-MB : Globalement, l’ensemble des proviseurs sont en adéquation avec cette démarche. Mais il faut aller encore plus loin. En informant les élèves de façon concrète sur les métiers. En formant mieux les professeurs aux enjeux de l’orientation. En impliquant les professeurs principaux qui jouent souvent un rôle moteur dans ce domaine. En faisant collaborer très étroitement les Régions avec les acteurs historiques de l’orientation comme l’ONISEP.

Le courrier auquel vous faites allusion montre l’unité de l’Éducation nationale et des Régions sur ces thèmes, et notre volonté commune :

RM : Malgré les chiffres enviables (+25 % d’apprentis sur les deux dernières années), les Régions restent réticentes à la réforme de l’apprentissage qui les a privées de cette compétence, en soulignant son “effet d’aubaine” (la prime de 8.000 euros aux employeurs). Elles réclament notamment de pouvoir gérer une “carte-cible” des territoires, permettant d’éviter les concurrences inutiles entre les structures. Êtes-vous ouvert à cette demande ?

J-MB : la réforme produit des effets bénéfiques, dans l’apprentissage mais aussi s’agissant des élèves des lycées professionnels. Et j’ai toujours dit que les Régions restaient des acteurs de l’apprentissage : même si elles ont vu leur rôle évoluer, il faut conserver cette dynamique.

Bien sûr, il nous faut être attentifs à l’efficacité qui peut être différente selon les branches professionnelles, mais aussi à la bonne réponse à apporter selon les territoires. Il ne faut pas non plus opposer les différents niveaux de formation : certes, nous avons une forte hausse dans les BTS, mais aussi dans les CAP et les bacs pro.

Quant à la carte-cible que vous évoquez, nous sommes ouverts à toute proposition qui permette de dégager une vision géographique plus équilibrée de notre système. Mais je rappelle que nous avons déjà fait beaucoup de choses allant dans ce sens, par exemple nous avons créés des Campus des Métiers en cohérence avec la carte de la réindustrialisation de la France, intégrée dans le programme « Investissements d’avenir ».

Lire la suite de l’interview de Jean-Michel Blanquer dans dossier Formation du n°162 de Régions Magazine, actuellement en kiosque.

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