État-Régions : l’époque serait plutôt à la détente
Les vœux de Régions de France ont eu lieu dans une ambiance apaisée. Pourvu que ça dure…
“Aujourd’hui, les diplomates prendraient plutôt le pas sur les hommes d’action”, lançait Jean Lefebvre dans une scène culte des “Tontons flingueurs”, avant de poursuivre, avec un sourire en coin : “l’époque serait plutôt aux tables rondes et à la détente”. C’est un peu cette ambiance qu’ont vécue les participants à la cérémonie des vœux de Régions de France, cette année. Déposés aux vestiaires, les “flingues de concours”. Le seul objet qu’on ait offert à la représentante du gouvernement, en l’occurrence la ministre de la Cohésion des Territoires Jacqueline Gourault, ce fut un olivier ramené de Provence par le président de Régions de France et de la Région Sud Renaud Muselier. Symbole de paix, de réconciliation pour ne pas dire de fraternité.
On a même vu la ministre couper le ruban inaugural du nouveau siège de régions, Quai de Grenelle, entourée de Renaud Muselier, de son président délégué François Bonneau, de l’ancien président de l’ARF Alain Rousset, et même du président de l’Assemblée des Départements de France Dominique Bussereau, venu en voisin et en ami des Régions. Alors, fin de la drôle de guerre ? Ou début de la paix armée ? La suite le dira.
Même si, comme l’a rappelé François Bonneau, “la décentralisation doit être une opportunité et une chance”, Renaud Muselier a immédiatement rappelé qu’avant la réforme mise en route par la ministre, dite projet de loi “3D” (décentralisation, différenciation, déconcentration), il faudrait d’abord commencer par les “3C”, “confiance, compétence et clarification”. “Et pour la confiance, nous sommes vaccinés”, a-t-il poursuivi, en rappelant l’épisode douloureux pour les Régions de la réforme de l’apprentissage : l’affaire Pénicaud n’est toujours pas digérée.
D’où la première exigence, celle de la clarté : “La décentralisation doit retrouver un cadre juridique clair et respectueux de la Constitution. Nous devons en finir avec des transferts qui parfois se limitent à un discours du Premier ministre, un courrier ou une simple convention”, a asséné le président de Régions de France. En application de ce principe, il a rappelé que les compétences confiées aux Régions “doivent donner lieu à des transferts de moyens” et que “les ressources des Régions doivent être sécurisées”.
Renaud Muselier a une nouvelle fois plaidé pour la création d’un comité Etat-Région, censé permettre “une coordination porteuse de sens et d’efficacité”. S’agissant de la responsabilité, les Régions ne réclament pas de nouvelles compétences, mais plutôt de pouvoir exercer celles qui leur sont dévolues avec autonomie et différenciation : “chaque Région doit pouvoir travailler “à la carte” sur des compétences propres”.
Et le président de Régions de France de souhaiter un calendrier 2020 marqué par trois jalons : “je souhaite qu’à la fin du printemps, lors de notre prochain comité État-Régions dédié aux fonds européens, le gouvernement puisse faire preuve d’une marque de confiance et accepte d’accorder aux Régions la gestion du Fonds social européen (FSE) territorial. Je souhaite qu’au début de l’été, le gouvernement affiche son ambition réformatrice pour le rôle des collectivités locales dans la vie quotidienne de nos concitoyens grâce au dépôt d’un projet de loi 3D ambitieux. Je souhaite enfin que fin septembre, à l’occasion du dernier Congrès des Régions de la mandature, nous puissions poser les bases d’un nouveau partenariat entre l’État et les Régions, pour la modernisation et le développement de notre pays.”
“Un nouveau cap”
Comme elle en a l’habitude, Jacqueline Gourault a affirmé qu’elle avait bien entendu le message. Elle dit avoir bien compris que les collectivités ne veulent plus d’un “nouveau big-bang territorial”, (NDLR : que personne ne réclame d’ailleurs), promettant aux Régions “un nouveau cap pour mieux répondre aux besoins des territoires et de nos concitoyens”.
Elle a pris comme exemple le feu vert donné à l’expérimentation par les Régions du pilotage des actions de formation menées par Pôle Emploi. Onze Régions s’étaient portées candidates à l’invitation du premier ministre Edouard Philippe lors du congrès de Régions de France à Bordeaux en novembre dernier, six ont été retenues dans un courrier daté du 28 janvier : les Pays de la Loire, la Nouvelle-Aquitaine, le Centre-Val de Loire, la Normandie, les Hauts-de-France, et Auvergne-Rhône-Alpes. Une sorte de préambule à la “Loi 3D” pour laquelle la ministre va poursuivre son “Tour de France des Régions”, avec à la clef de réunions de concertation et des ateliers de travail qu’elle juge “très intéressants”.
Mais elle n’a pas confirmé le calendrier proposé par Renaud Muselier, s’agissant notamment du vote de la loi. Or il suffit parfois d’un désaccord sur une date pour séparer l’armistice de la reprise des hostilités.
Philippe Martin
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