Une visite pour rien
Edouard Philippe s’est invité en dernière minute au congrès de Régions de France. Mais il est venu les mains vides, et a laissé les représentants des collectivités sur leur faim.
Philippe Martin
Edouard Philippe s’est invité en dernière minute au congrès de Régions de France. Mais il est venu les mains vides, et a laissé les représentants des collectivités sur leur faim.
Ce fut l’invité de la toute dernière minute. L’avant-veille au soir, la venue du Premier ministre au congrès de Régions de France attendait les ultimes confirmations. Finalement, Edouard Philippe a fait le déplacement de Marseille comme il avait fait celui d’Orléans l’an dernier. Démarche courageuse au demeurant, car le chef du gouvernement savait parfaitement qu’il débarquait au milieu d’une ambiance quasi-insurrectionnelle. Marquée par, la veille au soir, la signature de l’appel des collectivités pour la défense des libertés locales, signé par plus de 1.200 maires, présidents de Région, ou de Département, et lancé en présence des présidents des trois grandes associations d’élus, François Baroin (Maires de France) ; Dominique Bussereau (Départements de France) et Hervé Morin (Régions de France). Le tout adoubé par le président du Sénat Gérard Larcher en personne, plus que jamais défenseur de l’autonomie des territoires.
Dès lors, on pouvait s’interroger sur le pourquoi de cette visite impromptue. Et chacun imaginait que, soucieux de renouer les fils du dialogue, le Premier ministre ne viendrait pas les mains vides, et allait, a minima, produire quelques annonces susceptibles de remettre de l’huile dans les rouages de la relation bien grippée entre Etat et collectivités. La vérité oblige à écrire qu’il n’en a rien été.
Dans un long discours émaillé de citations, le Premier ministre a empilé formules générales et vérités d’évidence : “personne et surtout pas le gouvernement ne veut revenir sur la décentralisation” (NDLR : ce qui est d’ailleurs le minimum, étant entendu que ladite décentralisation est inscrite dans la Constitution). Edouard Philippe a enchaîné : “le lien indispensable qui doit se tisser entre nous a été distendu, je ne crois pas qu’il ait été cassé”. Ou encore : “on ne peut réparer le pays sans travailler en confiance avec les collectivités”.
Devant un millier d’élus qui faisaient plus que remplir le grand auditorium du Palais du Pharo, le Premier ministre s’est ensuite attaché à répondre point par point à l’appel des collectivités locales. Mais en restant dans le registre de la généralité incontestable ou de l’apophtegme de façade. Comme l’an dernier à Orléans, pas la moindre annonce concrète ni de véritable main tendue : le discours s’est achevé sous les applaudissements maigrelets, laissant un goût d’inachevé, pur le moins, à l’ensemble de l’assistance.
Pas question de réintégrer la Conférence Nationale des Territoires, dont le maintien serait dès lors pour le moins grotesque.
“Le seul point positif que je retiens, c’est qu’il soit venu”, a lancé par la suite Hervé Morin, qui avait pourtant réservé à son “compatriote” normand un accueil chaleureux voire amical. “Très peu de réponses aux questions des Régions, Départements et Communes. Et pas un mot sur la Corse”, a asséné Gilles Simeoni, président de la Collectivité de Corse. “Tout cela manque de méthode”, a enchaîné Jean Rottner, président du Grand Est. “Pas de réponse à la volonté d’unité”, a complété Carole Delga (Occitanie). Quant au président du sénat Gérard Larcher, dans son discours de clôture, il n’a pas hésité à lancer sur le ton de la colère : “si ce n’était que pour prononcer et répéter en vain le mot de confiance, ce n’était pas la peine de faire le déplacement !”.
Résultat tangible : pas question pour les régions de réintégrer la Conférence Nationale des Territoires, dont la prochaine réunion est prévue mi-octobre. Vu le ton employé la veille par François Baroin et Dominique Bussereau, il serait bien étonnant que les Départements et les Villes n’en fassent pas de même. Dès lors, le gouvernement maintiendra-t-il le principe grotesque d’une réunion des territoires où l’immense majorité des territoires seraient absents ?
En revanche les présidents de Région ont accepté l’idée d’une rencontre le 19 octobre à Matignon pour y évoquer les dossiers les plus brûlants. Mais il se sont aussi engagés à présenter cet automne au sein de “Territoires Unis” (qui rassemble désormais les trois grandes associations de collectivités), un “pacte girondin” qui pourrait servir de référence dans le cadre d’un dialogue renoué avec le gouvernement. Ce n’était pas pour cette fois en tout cas.