Très Haut Débit : le chantier avance toujours
L’université d’été du THD a permis de confirmer que 4 millions de prises seront bien installées cette année. Mais les sujets d’inquiétude ne manquent pas.
600 participants l’an dernier à Laval, près de 1.000 cette année à Marcq-en-Barœul, juste à côté de Lille, les 17 et 18 septembre : si l’on en juge par le succès de l’“Université du THD”, l’installation du Très Haut Débit a vraiment trouvé son rythme de croisière dans notre pays (lire aussi le numéro spécial de Régions Magazine “La France en Très Haut Débit”, avril 2019). Cette affluence ne constitue évidemment pas le seul indicateur positif dans ce domaine… même si les inquiétudes ne manquent pas.
Il faut dire que le plateau réuni par InfraNum (Fédération des entreprises en charge de l’infrastructure numérique) et l’AVICAA (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel) avait de quoi séduire. Avec en tête de gondole Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires, très impliqué dans le suivi de ce dossier, et Sébastien Soriano, le patron de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes). Et à la clef, des motifs de satisfaction…. Mais aussi des sujets d’inquiétude bien réels.
Dans la première catégorie, c’est l’avancée spectaculaire du chantier Haut débit qui a retenu l’attention de président d’InfraNum Etienne Dugas : “en 2019, nous dépasserons le cap des 4 millions de prise FFTH installées, un record sur une seule année”. Si les acteurs, et en priorité les industriels en charge de l’équipement, sont bien au rendez-vous, les consommateurs le sont aussi, avec une hausse significative des taux d’abonnement fibre sur les territoires (37 % au deuxième trimestre), ce dont s’est réjoui le ministre. Qui a rappelé au passage que “la vigilance reste de mise pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement : bon débit pour tous en 2020, Très Haut Débit pour tous en 2022, gigabit society en 2025”.I
Attention à l’injustice numérique
Il n’en fallait pas plus pour qu’on aborde le deuxième volet, celui des inquiétudes. D’abord en raison de la fermeture du “guichet de financement du THD”. Car fidèle à une pratique curieuse mais souvent répétée, le gouvernement a repris d’un côté ce qu’il a distribué de l’autre, en coupant les financements et en fermant ce fameux Guichet. Le ministre en a d’ailleurs reconnu la conséquence immédiate : 25 Départements qui ne sont pas intégrés dans le Plan THD.
Pour autant, l’Avicca et Infranum en appellent directement au Président de la République : “la réouverture du guichet du THD n’est pas une question d’argent mais de politique. Les dernières procédures attribuées, l’ont été sans subvention de l’Etat”, rappelle Etienne Dugas. “Si nous n’apportons pas le Très Haut Débit aux trois derniers millions de Français, la totalité du travail effectué sera oubliée”, déplore Patrick Chaize, sénateur et président de l’Avicca. En effet, atteindre une moyenne de 80 % du territoire en THD en 2022 masquera des disparités majeures, avec certains départements couverts à 100 %, comme l’Oise (en 2023) mais d’autres avec à peine plus de 50 %. “On ne parlera même plus de fracture mais d’injustice numérique”, conclut Etienne Dugas.

De plus, miser sur les opérateurs privés pour achever la couverture du territoire serait une erreur. Si la procédure des appels à manifestation d’engagements locaux (Amel) reste ouverte, “avec les Amel, les collectivités n’ont pas la propriété des infrastructures alors qu’elles possèdent les routes, les réseaux d’eau et d’électricité. Par ailleurs, il ne faut pas se méprendre, elles devront in fine mettre la main à la poche car les opérateurs privilégieront la rentabilité et n’iront pas partout”, met en garde Patrick Chaize, parfait dans le rôle du “râleur” ou plutôt, du lanceur d’alerte.
Autres sujets d’inquiétude du moment : la question prioritaire de constitutionalité (QPC) posée par Orange et qui met en cause le pouvoir de sanction de l’Arcep. “Si l’autorité perd son pouvoir de sanction, c’est l’ensemble de la stratégie THD du gouvernement qui s’effondre”, a souligné Patrick Chaize. Amii, Amel et “new deal mobile” ont en effet pour point commun de reposer sur des engagements des opérateurs, l’article L33-13 du code des postes et des communications prévoyant des sanctions s’ils ne sont pas respectés. Ou encore les difficultés économiques de l’opérateur Kosc Telekom, qui risquent de nuire fortement à la réalité de la concurrence dans le secteur. “Pourtant dans les réseaux d’initiative publique, l’émulation de la concurrence a démontré son impact positif sur la numérisation des entreprises”, souligne Etienne Dugas.
Chacun des interlocuteurs a rappelé au passage l’importance du THD pour l’équilibre des territoires, mais aussi en termes d’emplois : 6.400 nouveaux emplois créés sur la seule année 2019 ! Et aussi à quel point la pérennité de ces empois, liés à la maintenance des réseaux, allait très vite devenir un sujet majeur. Du grain à moudre pour les prochaines Universités d’été.
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