Borne fixe des limites
La Première ministre a ouvert un premier dialogue avec les présidents de Région. Mais elle s’est bien gardée de parler de décentralisation.
Elle était attendue. Elle est venue. Et si elle n’a pas entièrement convaincu, la Première ministre Elisabeth Borne a laissé la porte suffisamment entrouverte pour ne pas provoquer la colère des présidents de Région, comme l’avaient fait Édouard Philippe et Jean Castex en leur temps. Pendant deux jours, au congrès de Régions de France à Vichy, les présidents de Région n’ont eu de cesse de répéter qu’ils souhaitaient travailler avec le gouvernement, à condition que celui-ci saisisse la main tendue par les représentants des collectivités. Ce qu’Elisabeth Borne a fait… partiellement.
En effet, pour sa première sortie devant une grande association d’élus locaux, renforcée par la présence du président du Sénat Gérard Larcher, et des représentants de Territoires Unis David Lisnard (président de l’Association des maires de rance) et François Sauvadet (président de l’Assemblée des départements de France), la Première ministre a donné des gages de bonne volonté, assurant les présidents de Région de sa volonté de construire un « dialogue constant, à travers la construction d’un programme de travail partagé et d’un agenda territorial ». Promettant de donner une plus large place à la différenciation, demande sans cesse répétée par les élus locaux et guère comprise lors du quinquennat précédent. « Nous devons vous faire confiance pour expérimenter et innover », a-t-elle lancé ce que, au demeurant, les Régions font déjà très largement.
Elle a également assuré que le « pacte financier pluriannuel que nous allons construire ensemble garantira le panier des ressources » des collectivités, répondant ainsi à une des principales demandes des élus régionaux et locaux. Lesquels, s’agissant des Régions, ont d’ores et déjà chiffré l’impact de l’inflation sur leurs finances à « plus d’un milliard d’euros », selon Carole Delga, présidente de Régions de France et de la Région Occitanie, qui réclame une « compensations sur la totalité » de ces sommes lors du projet de loi de finances qui sera débattu en octobre.

Toutefois, et c’est là qu’Élisabeth Borne a posé ses limites, elle s’est bien gardée de chiffrer le montant du soutien de l’Etat face notamment à la flambée du prix de l’énergie sur les budgets régionaux et locaux. Et surtout, tout au long de son discours, elle n’a pas prononcé une fois le mot de « décentralisation », qui était pourtant la principale demande des présidents de Région tout au long de ce congrès. Une « grande loi de décentralisation », réclamée par Carole Delga et Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui accueillait ce congrès. Lequel a rappelé que cette loi faisait partie des engagements pris par le président de la République Emmanuel Macron lors de sa rencontre avec Territoires Unis.
A l’issue de ce discours, selon Carole Delga, « il faut attendre avant de prononcer un jugement définitif, même si nous n’avons pas obtenu tout ce que nous voulions ». Mais le rendez-vous du projet de loi de finances sera capital : « si nous demandes n’y sont pas entendues, il y aura un désaccord majeur ».
La Première ministre ne s’est pas non plus exprimée sur la réforme ferroviaire, alors que, selon Laurent Wauquiez, « si de grandes décisions ne sont pas prises en urgence, nous aurons demain dans le ferroviaire le même cataclysme qu’aujourd’hui dans le nucléaire ». Pas plus que sur la réforme des lycées professionnels lancée deux jours avant par Emmanuel Macron, et pour laquelle les attentes des Régions sont fortes.
« J’entends les urgences et je partage votre impatience », a conclu la Première ministre face à la charge de Laurent Wauquiez contre « ce centralisme qui épuise le territoire, où tout se décide à Paris, dans un bureau avec deux ou trois personnes ». Pour sa part, le président du sénat Gérard Larcher, dénonçant au passage une « recentralisation à bas bruit », a annoncé le lancement d’un groupe de travail sénatorial pluraliste sur la décentralisation. Ce mot que la Première ministre s’est bien gardée de prononcer. La confiance règne, mais elle aussi a ses limites.
Philippe Martin




