Ukrainiens, « Vous n’êtes pas seuls ! »
Au Sommet de Mons, régions et villes ont confirmé leur volonté de soutien à leurs homologues d'Ukraine.
Philippe Martin
C’est le président du Comité européen des régions Vasco Alves Cordeiro qui, devant la forte délégation d’élus ukrainiens, a lancé cette phrase, presque ce cri : « Vous n’êtes pas seuls ! Nous continuerons de soutenir l’Ukraine autant qu’il le faudra ! »
Dès le début de l’agression russe, les régions et les villes membres de l’UE, qui viennent de tenir leur Sommet les 18 et 19 mars à Mons (Belgique) ont apporté un soutien immédiat aux oblasts (régions) et aux villes ukrainiennes écrasées sous les bombes russes. Parallèlement à l’aide militaire fournie par les États, les collectivités ont déployé tout l’arsenal d’une aide concrète en faveur des populations civiles.
Envoi de matériel, notamment de production électrique alors que l’armée de Vladimir Poutine bombardait systématiquement les centrales afin de priver les Ukrainiens d’électricité, accueil de réfugiés, organisation de camps de vacances pour les enfants ukrainiens, chacun a contribué à a façon. Le Comité européen des régions a pour sa part créé l’Alliance européenne des villes et des régions pour la reconstruction de l’Ukraine.
Les trois prérequis à la reconstruction de l’Ukraine
Car plus de deux ans plus tard, il s’agit à présent de préparer la reconstruction du pays, en complétant les aides fournies par les États, et en s’appuyant au maximum sur les pouvoirs locaux. Lors du Sommet de Mons, les interlocuteurs qui se sont succédés à la tribune ont toutefois tenu à rappeler trois prérequis.
D’abord, et la délégation ukrainienne présente n’a eu de cesse de le rappeler, il est difficile de concevoir une reconstruction tant que la guerre n’est pas terminée, et que les destructions commises par les troupes russes se poursuivent.
Ensuite, que tout aide versée, tout soutien apporté, doivent se faire dans la transparence la plus totale avec un suivi très précis des résultats sur le terrain. Ce afin d’éviter les accusations de corruption qui s’abattent régulièrement sur le gouvernement ukrainien.
Enfin, que cette aide puisse contribuer au processus de décentralisation déjà engagé avant le début de la guerre, afin que les régions et les villes ukrainiennes puissent se reconstruire en s’appuyant sur une autonomie renforcée, leur permettant de jouer un rôle significatif dans le processus de reconstruction.
Vasco Alves Cordeiro, a d’ailleurs tenu à le rappeler en ces termes : « Le Comité européen des régions sera aux côtés de l’Ukraine, quoi qu’il en coûte et aussi longtemps qu’il le faudra. Je suis fier que toutes les associations européennes et ukrainiennes des collectivités locales et régionales, partenaires de l’Alliance des villes et des régions pour la reconstruction de l’Ukraine, dirigée par le Comité européen des régions, se soient réunies pour faire part de leurs recommandations aux gouvernements ukrainien et allemand en vue de la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine.
Il est essentiel de combiner la reconstruction de l’Ukraine avec un renforcement de la démocratie locale et des capacités locales et régionales, en particulier en vue de l’adhésion à l’UE. »
Les 17 recommandations de l’Alliance européenne des villes et des régions pour la reconstruction de l’Ukraine interviennent vingt jours après que l’UE a finalisé un train de mesures de soutien financier et technique de quatre ans en faveur de l’Ukraine, dénommé la facilité pour l’Ukraine.
Cet ensemble de recommandations a été élaboré conjointement par les régions et les villes de l’UE et d’Ukraine et les associations dont elles font partie. Elles ont été remises au vice-premier ministre ukrainien chargé du processus de reconstruction, Oleksandr Kubrakov, et à Georg Milbradt, envoyé spécial de l’Allemagne en Ukraine pour la décentralisation. L’Allemagne accueillera en juin à Berlin la conférence, devenue annuelle, sur le redressement de l’Ukraine, à l’occasion de laquelle l’UE, les pays du G7 et d’autres partisans de l’Ukraine coordonnent leur soutien financier et pratique à la reconstruction du pays.
Continuer de renforcer l’autonomie locale en Ukraine
L’ensemble de recommandations présentées au nom de l’Alliance par Vasco Alves Cordeiro, appelle le gouvernement ukrainien à « continuer de renforcer l’autonomie locale et souligne la nécessité de disposer d’une feuille de route plus claire pour relancer le processus de décentralisation interrompu par l’entreprise dévastatrice de conquête de l’Ukraine déployée par la Russie en 2022. Il exhorte également le gouvernement ukrainien à définir plus clairement les pouvoirs, les tâches, les responsabilités et les ressources des gouvernements locaux et régionaux, notant qu’ils devront être systématiquement associés à l’élaboration, à la programmation et à la mise en œuvre des politiques de redressement. »
« Les communautés les plus touchées par la guerre devraient bénéficier d’un soutien financier prioritaire et d’une aide active afin de pouvoir adhérer aux programmes existants et développer des partenariats internationaux. La réintégration des anciens combattants et des personnes déplacées par la guerre ainsi que le déminage et la reviviscence des bastions de vitalité économique que sont les zones rurales de l’Ukraine sont deux autres priorités spécifiques soulignées par l’Alliance. »
Pour un redémarrage de la politique régionale ukrainienne
S’exprimant en ligne lors du Sommet européen des régions et des villes, le vice-premier ministre Kubrakov a déclaré que l’Ukraine suit une approche qui permettrait de développer « une arme secrète qui n’est possible que dans les États démocratiques, à savoir une société civile forte et une autonomie locale efficace », en achevant la réforme de la décentralisation, en « renforçant le rôle des communautés dans la reprise et la restauration » et en « poursuivant un véritable redémarrage de la politique régionale ukrainienne ».
Une session du Sommet européen des régions et des villes a donc été consacrée lors du Sommet de Mons à la reconstruction et à la relance de l’Ukraine, animée par Dario Nardella, maire de Florence et rapporteur du CdR sur la facilité pour l’Ukraine. Parmi les autres intervenants figuraient Marc Cools, président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe ; Olena Shuliak, présidente de la commission de la Verkhovna Rada chargée de l’organisation du pouvoir de l’État, de l’autonomie locale, du développement régional et de l’urbanisme ; Vitaly Klitschko, maire de Kiev et président de l’Association des villes ukrainiennes (participation à distance) ; Viola Von Cramon-Taubadel, députée au Parlement européen. Une délégation de près de 30 autres responsables politiques régionaux et locaux d’Ukraine a également participé au sommet.
Pour Patrick Molinoz, vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté, « L’Union européenne vient finalement de s’accorder sur la Facilité pour la reconstruction de l’Ukraine de 50 milliards € jusque 2027. Cela ne sera pas suffisant pour la reconstruction de l’Ukraine, d’autres ressources devront être mobilisées par des partenariats entre collectivités territoriales et la création des conditions pour le retour des investissements privés en Ukraine. »
Enfin Christian Debève (président de la Commission Europe en région Grand Est) a suggéré que, comme sa propre région l’a fait avec l’oblast de Kharkiv, une région d’un pays de l’UE parraine une région de l’Ukraine et lui apporte un soutien direct ; et que cette annonce soit faite lors du Sommet de Berlin, en juin.
Une suggestion que Régions Magazine ne peut qu’approuver, puisque notre revue l’avait déjà émise dans son numéro 166 (mars 2023) “Les Région au soutien de l’Ukraine”, sous le titre “Deux oblasts pour une Région”…