Finances : le cri d’alarme des Régions
Rien qu’en 2020, la “moins-value fiscale” pourrait dépasser le milliard d’euros. Et le pire est sans doute à suivre.
Philippe Martin
Rien qu’en 2020, la “moins-value fiscale” pourrait dépasser le milliard d’euros. Et le pire est sans doute à suivre.
Une moins-value fiscale estimée à 1 milliard d’euros en 2020 et jusqu’à 4 milliards en 2021 : si rien n’est fait, la crise mettra les Régions en quasi-faillite, avec une capacité d’investissement divisée par deux, dans le scénario le plus optimiste.
Le sujet a été abordé lors de la dernière conférence téléphonique des présidents de Région avec le Premier ministre : dès 2020, les recettes de TVA, celles liées aux cartes grises, et à la “part Grenelle” de la TICPE, vont conduire à une moins-value sur leurs recettes estimée à un milliard d’euros sur la base des hypothèses retenues pour le 2e projet de loi de finances rectificative (PLFR). Dans le même temps, les dépenses nouvelles engagées par les Régions à très court terme sur les mesures d’urgences prises face à la crise sanitaire s’élèvent à 1,2 milliard d’euros. Cet effet de ciseau ampute la capacité financière des Régions.
En 2021, les Régions vont subir les effets des moindres versements de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises CVAE perçus par l’État. D’après Régions de France, leur baisse est estimée entre 20 et 40 %, soit une moins-value de 2 à 4 milliards d’euros représentant 10 % des recettes de fonctionnement des Régions (31 Mds€ en 2019).
Dans le détail, la synthèse réalisée par Régions de France à partir des données financières des 18 Régions montre que les recettes des Régions vont être significativement affectées dès cette année.
Une perte de plus de 400 M€ sur la TVA en 2020
La TVA va connaître une baisse importante, ses recettes étant corrélées à la consommation et à l’inflation. Le second projet de loi de finances rectificatives pour 2020, adoptée le 23 avril par le Parlement, a revu à la baisse les premières estimations formulées par le Gouvernement, avec une évolution du PIB à – 8 %, un retour au niveau usuel de la consommation des ménages pas avant l’automne et une inflation réduite à +0,5 %.
Les recettes de TVA seraient ainsi en recul de -11,3 Mds € pour l’Etat, soit – 9,5 %, par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2020 (LFI 2020). Les conséquences seront significatives pour les recettes des Régions, qui bénéficient depuis le 1er janvier 2018 de l’attribution d’une fraction dynamique de TVA.
Les pertes anticipées du produit de TVA pour les Régions seraient de – 6,5 % par rapport au montant de TVA perçu en 2019, soit une perte de – 276 M€.
Jusqu’à – 117 M€ sur la TICPE “Grenelle”
Une partie des recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) va également enregistrer une baisse en raison du recul de la consommation de carburants lié au prolongement et au renforcement des mesures de confinement. La seconde loi de finances rectificatives prévoit un recul de son produit de – 7,15 %, soit – 1,5 Md€. En effet, la consommation de gazole et d’essence enregistre une baisse historique de – 70 % à – 85 % depuis le début du confinement.
Après une visite des hôpitaux universitaires à Strasbourg, en 1ère ligne depuis le début de l’épidémie, entretien avec les présidents de Région sur les dispositifs de soutien économique, dont le fonds de solidarité pour les TPE auquel les Régions contribuent, et le déconfinement. pic.twitter.com/wxiuu6Kks0
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) April 23, 2020
La taxe sur les cartes grises en baisse de 336 M€ à 450 M€
Les recettes issues des cartes grises, en raison de la diminution du nombre d’immatriculations (sur le neuf et l’occasion), vont également enregistrer une baisse comprise entre – 15 % et – 20 %, correspondant à une baisse variant de 336 M€ à 450 M€ pour les Régions. Le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) a annoncé le 1er avril que les immatriculations de voitures neuves ont chuté de 72,25 % sur un an au mois de mars. Il n’existe pas de mécanisme de garantie sur cette recette pour les Régions.
La Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises annoncée en chute jusqu’à – 3,8 Md€ en 2021
La baisse anticipée de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la principale recette des Régions, impactera les budgets 2021 et 2022, compte tenu des modalités de versement et des possibilités pour les entreprises de modifier leurs acomptes en fonction de la situation économique. Les premières estimations font état d’une baisse de son produit en 2021 entre – 20 % et – 40 %, soit une diminution comprise entre 1,9 Md€ et 3,8 Md€.
Les Présidents de cinq associations d’élus (Régions de France, ADF, ADCF, APVF, France Urbaine), ont écrit le 22 avril à Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, pour lui demander qu’un travail conjoint soit rapidement engagé sur les estimations du produits de la CVAE entre les associations et les services du ministère des Comptes publics.
La crise aura en outre un très lourd impact sur les recettes fiscales spécifiques de certaines Régions. C’est le cas pour l’Île-de-France, la Corse et les Régions et Collectivités uniques d’Outre-Mer.
Ainsi, pour la Région Île-de-France les recettes fiscales d’Île-de-France Mobilités, en raison du prolongement et du renforcement du confinement, vont connaître une forte baisse dont l’ampleur sera affinée au cours des prochaines semaines. En effet, les nombreux recours au chômage partiel vont induire une forte baisse du Versement Mobilité (VM), dont la perte peut être estimée globalement à 1 milliard d’euros.
Pour la Collectivité de Corse, les recettes issues des Droits de mutation à titre onéreux (DMTO) seront en forte baisse en 2020, soit entre – 4,6 M€ et – 3,8 M€. La taxe sur le transport public aérien et maritime en provenance et à destination de la Corse, aurait un produit en recul de – 40 %, soit – 14,4 M€, en raison du prolongement du confinement. Pour la même raison, les recettes issues de la TICPE locale enregistreront une baisse qui pourrait varier entre 20 % et 25 %, soit une diminution comprise entre 12 M€ et 15 M€.
Enfin, pour (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion), les recettes issues de la taxe spéciale sur les consommations de carburants (TSC), de l’octroi de mer et de la taxe due par les entreprises de transport public aérien et maritimes, vont diminuer en raison de la baisse de la consommation de carburants, des mesures liées au confinement et de la crise économique. Il n’existe pas de dispositif de garantie sur ces taxes.
La Corse est une des régions les plus touchées par le #COVID19. J’ai souhaité échanger avec les élus de l’île. À l’ordre du jour de la réunion : la situation sanitaire, l’application de nos mesures de soutien économique et social, le travail mené dans le cadre du déconfinement. pic.twitter.com/wg5g8XcfXe
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) April 22, 2020
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