Le bel anniversaire de la décentralisation
Pour fêter les 25 ans de son existence, l’association des Régions de France a réuni un superbe plateau au salon de l’Orangerie du Sénat, le 18 décembre.
Philippe Martin
Pour fêter les 25 ans de son existence, l’association des Régions de France a réuni un superbe plateau au salon de l’Orangerie du Sénat, le 18 décembre.
Amener dans le lieu de vie des sénateurs la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, qui plus est alors que les discussions sur la loi Immigration battent leur plein dans la chambre basse. Faire témoigner longuement François Hollande sur les réussites et les échecs de sa réforme de la décentralisation. Arracher quelques bribes d’information à Éric Woerth, député chargé d’une mission sur la décentralisation par le président de la République. Demander à Pierre Moscovici, premier président de la Cour des Comptes, d’évaluer les résultats de ladite décentralisation : àl’occasion des 25 ans de Régions de France, les deux hôtes de la manifestation, Carole Delga, présidente de l’association, et Gérard Larcher, président du Sénat, ont pour le moins réussi leur coup !
Même si l’on peut regretter l’absence d’un représentant du gouvernement, dont les oreilles auraient pu siffler, s’agissant notamment de promesses non tenues ou de finances insuffisantes : « comparés aux Italiens, aux Espagnols ou aux Allemands, nous sommes des nains ! », comme l’a martelé le président de la Région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur Renaud Muselier.
François Hollande, “grand témoin” de l’après-midi, l’a souligné, « notre décentralisation n’a jamais été jusqu’au bout, s’agissant des transferts de moyens et de compétences, même si au fil des années ou des réformes, les Régions ont pris confiance en elles-mêmes. Pour ma part, si c’était à refaire, je ne toucherais plus à l’organisation territoriale. Mais j’irais plus loin dans les missions qu’il convient de confier aux Régions, le logement, l’université, la recherche, la politique agricole, la gestion des fonds européens (sur laquelle nous somme malheureusement revenus en arrière).
Mais surtout, je les doterais de ressources propres, l’inverse de ce qui a été fait ces dernières années pour les collectivités avec la suppression, entre autres, de la taxe professionnelle puis de la taxe d’habitation pour les communes ».
Ancien Premier ministre et président de Régions de France, Jean-Pierre Raffarin assène : « Tant qu’à réformer Pôle Emploi, il faut confier France Travail aux Régions ! », idée que reprendra un peu plus tard son vieux rival régional Alain Rousset, président de la Nouvelle-Aquitaine, qui réclame « qu’en matière de développement économique et de politique de l’emploi, les Régions soient complétement reconnues comme uniques chefs de file ». Une idée largement développée également par Pierre Moscovici, qui déplore cependant que « l’architecture des collectivités se soit complexifiée au fil des années. »
Ce que Yaël Braun-Pivet résume d’une punchline : « on parle de millefeuille territorial, aujourd’hui ce serait plutôt un crumble ! », Éric Woerth y constate pour sa part « un fort mécontentement général devant le fonctionnement de noter décentralisation… ce qui ne veut pas dire que ça ne marche pas ! »
S’il rejette – et c’est une information – toute idée de modifier de nouveau la structure territoriale de notre pays, « il n’est pas question de supprimer une strate », il récuse également « toute volonté de recentralisation » de la part de l’exécutif actuel ».
Lui aussi admet que, sans autonomie financière, les collectivités, et singulièrement les régions, ne pourront remplir complétement leurs missions, « même si on ne recréera ni la taxe professionnelle, ni la taxe d’habitation ». Et, à ce stade de son travail d’analyse, il plaide pour une « libre administration des collectivités avec des compétences renforcées ». Sans aller plus loin pour le moment.
Avis contraire pourtant en conclusion de la part Gérard Larcher : « Oui, le rôle des Régions est devenu essentiel, mais il est aujourd’hui entravé, par une recentralisation à l’œuvre depuis une quinzaine d’années. Et la perte d’autonomie financière en est sûrement l’exemple le plus significatif ». Comme quoi fêter un anniversaire n’empêche pas la lucidité.
Philippe Martin