L’agriculture, les Régions et l’Europe : Professeurs de champs
A travers nos territoires, des agriculteurs racontent
à Régions Magazine leurs difficultés mais aussi
leurs espoirs. Et les Régions dévoilent leurs stratégies.
Voyage à travers cette France qui nous nourrit.
A travers nos territoires, des agriculteurs racontent à Régions Magazine leurs difficultés mais aussi leurs espoirs. Et les Régions dévoilent leurs stratégies. Voyage à travers cette France qui nous nourrit.
En France, un agriculteur sur deux a perçu en 2016 moins de 354 euros par mois. Ce chiffre, qui émane de la Mutualité sociale agricole, dit à lui seul la difficulté de vivre correctement de son métier quand on exerce celui d’agriculteur. Surtout quand on sait que l’horaire moyen y est beaucoup plus proche des 70 heures par semaine que des 35…
Et pourtant, tout au long du dossier que Régions Magazine consacre dans les pages qui suivent à “L’agriculture, les Régions et l’Europe”, vous rencontrerez des agriculteurs fiers de ce qu’ils font. Au travers de contrées et de réalités bien sûr si différentes, ils disent toutes et tous l’amour de leurs terres, de leurs bêtes ou de leurs champs, le souci de fabriquer les meilleurs produits possibles, au service des populations. Oui, l’agriculture française, “la meilleure du monde” comme l’affirme le ministre Stéphane Travert dans l’interview qu’il a accordée à Régions Magazine, cette agriculture que toute la planète admire, c’est aussi, à sa façon, un service public.
Et pourtant, que de difficultés ! Des aléas dus aux caprices du temps, à la sécheresse ou aux tempêtes, jusqu’aux nouvelles maladies qui apparaissent chaque année, en passant par la lourdeur des procédures permettant de toucher les subventions, que de soucis ! Et comme si ce n’était pas assez, le jour où les Régions peuvent enfin récupérer directement les fonds européens afin d’en faire bénéficier plus vite et plus équitablement leurs agriculteurs, voilà qu’un logiciel mal calibré bloque les versements pendant près de deux ans ! (lire en encadré “le scandale Osiris”). Ajoutant un aléa de plus à tous ceux que connaissent ceux qui vivent de la terre.
Alors, bien sûr, on ne peut que se réjouir de voir le président de la République et le gouvernement prendre, sans mauvais jeu de mots, le taureau par les cornes, en profitant de ces Etats généraux de l’Alimentation qu’ils ont souhaité organiser, pour annoncer des mesures semble-t-il de bon aloi. Dont une, très simple mais que personne n’a encore vraiment essayée jusqu’à présent : fixer les prix des produits agricoles, non pas en fonction des souhaits des distributeurs, mais en fonction des prix de revient des producteurs. Le meilleur moyen, et sans doute le seul, pour permettre peu à peu aux agriculteurs français de vivre de leur propre travail. Un enjeu d’autant plus capital que les aides de la PAC (Politique agricole commune) risquent bien de se réduire dans les années qui viennent.
Et il y a de la marge, si l’on ose dire ! Car la tendance est exactement inverse. Prenons le simple cas du lait : entre 2015 et 2016, la part du producteur est passée de 40 à 33 %, celle de l’industrie (transformation des produits) de 42 à 46 %, celle de la distribution de 18 à 21 %. Quand vous achetez un litre de lait, un tiers seulement de la somme va à l’éleveur… Et l’on estime que dans une baguette de pain, il y a un peu plus de trois centimes de blé : faites le calcul par rapport à ce que vous payez !
Dans ce contexte difficile, il serait dommage, pour ne pas dire dangereux, d’oublier le rôle des collectivités, à commencer par celui des Régions. La régionalisation des politiques agricoles est en effet indispensable pour aider chaque territoire à inventer ses propres solutions, qu’il s’agisse de renforcer l’approvisionnement local dans la restauration collective, de développer les filières à commencer par le bio, d’aider les jeunes agriculteurs à se développer ou à reprendre des exploitations, d’assurer la protection du foncier.
Sur la programmation 2014-2020, les Régions ont géré directement 10,8 Md€ d’aides européennes (FEADER), soit 95 % de crédits accordés par l’Europe. Elles ont adopté (Corse et collectivités ultramarines comprises) 27 programmes régionaux de développement rural. Sur la dernière période (2014-2016), elles ont ajouté sur leurs crédits propres plus de 200 M€ dde financements complémentaires.
Nos Régions sont donc, plus que jamais, en première ligne, pour défendre leurs agriculteurs et les aider à trouver les bonnes solutions. Puisse le nouvel exécutif, si ouvert dans ses discours et si centralisateur dans ses actes, ne pas l’oublier.
Le scandale Osiris
De 2014 à cette fin d’année 2017, les agriculteurs français se sont heurtés à un dysfonctionnement du paiement de leurs aides, des aides qui transitent désormais par les Régions. Régions qui ne sont pas en cause, mais bien une Agence de l’Etat, l’ASP (Agence de services et de paiement, créée en 2009). Qui a installé dans ses locaux de Montreuil deux logiciels répondant aux doux noms égyptiens d’Isis et Osiris, dont l’efficacité semble également relever de la mythologie. Car ils n’ont pas davantage fonctionné que le tristement célèbre logiciel Louvois qui pourrit la vie de l’Armée française depuis des années… Si les Régions ne sont pas en cause, l’Europe non plus : elle a bien versé les sommes, lesquelles ne sont jamais arrivées sur les comptes courants des agriculteurs français. Provoquant à de multiples reprises la colère des syndicats agricoles, comme la “Coordination rurale” qui a demandé le 3 juillet dernier une commission d’enquête à l’Assemblée nationale pour connaître enfin la vérité sur l’acheminement des aides. Le ministre de l’Agriculture de l’époque Stéphane Le Foll a été mis en cause à plusieurs reprises dans cette malencontreuse affaire, contraignant Etat et Régions à verser de substantielles avances aux agriculteurs, mais plongeant ceux-ci dans des difficultés accrues en raison des retards de paiement. Le nouvel exécutif s’est attaqué au problème de façon très ferme (lire à ce sujet l’interview du ministre Stéphane Travert), et les retards sont en cours de résorption. Mais voilà bien l’exemple d’une vraie-fausse décentralisation, qui conduit généralement à l’échec.