La concurrence monte à bord du TER
Pour la première fois, le monopole de la SNCF va être battu en brèche : la ligne Marseille-Nice va être attribuée à Transdev. Une véritable bombe dans le processus d’ouverture à la concurrence des trains régionaux.
Philippe Martin
Pour la première fois, le monopole de la SNCF va être battu en brèche : la ligne Marseille-Nice va être attribuée à Transdev. Une véritable bombe dans le processus d’ouverture à la concurrence des trains régionaux.
Si tout se passe comme prévu, d’ici deux ans, le célèbre logo aux quatre lettres va disparaître des rames peintes aux couleurs de la Provence-Alpes-Côte d’Azur : c’est bien celui de Transdev qui sera appelé à le remplacer. Si la procédure d’ouverture à la concurrence des lignes TER en Région Sud ne s’achèvera que le 29 octobre par le vote des élus du conseil régional réunis en assemblée plénière, on sait déjà quel choix leur sera proposé. Et c’est une véritable petite bombe dans le monde jusqu’ici très “normé” du transport ferroviaire en France : l’un de deux lots ne sera pas attribué à l’opérateur public, la SNCF, mais bien à un opérateur privé, la société Transdev. Même si le terme “privé” est à relativiser, s’agissant d’une entreprise dont le principal actionnaire, à 66 %, n’est autre que la Caisse des Dépôts.
Ainsi donc, la directive européenne et la loi de 2018, obligeant à l’ouverture progressive à la concurrence des lignes intérieures de chemin de fer, viennent de porter leurs premiers fruits. En Région Sud, deux lignes étaient ainsi ouvertes à l’Appel à Manifestation d’Intérêt lancé dès 2017, et auquel dix entreprises avaient répondu. Le lot n°2, dit des “lignes Azur”, concernait les lignes Les Arcs/Draguignan-Vintimille, Nice-Tende et Cannes-Grasse, soit 23 % de l’offre régionale. C’est le choix de la SNCF qui sera proposé au vote des élus.
En revanche, en ce qui concerne le lot 1, dit des “Métropoles”, la ligne Marseille-Toulon-Nice, représentant 10 % de l’offre régionale, trois offres étaient en concurrence : la SNCF, Thello (filiale de la compagnie publique de chemin de fer Trenitalia) et Transdev. C’est cette dernière qui a emporté le morceau. « Grâce à cette offre, dès 2025, le trafic sera doublé pour un prix équivalent ! Nous passerons de 7 allers-retours quotidiens à 14 allers-retours quotidiens, s’est réjoui le président de la Région Renaud Muselier en annonçant ce choix.
Et complétant, s’agissant du lot n°2, la ligne“Azur” : « dès 2025, l’offre de train sera augmentée de 75 % sur ce lot, avec une cadence au quart d’heure des trains sur le littoral. Nous passerons de 69 allers-retours quotidiens à 120 allers-retours quotidiens. Les offres proposées au vote démontrent la réussite de l’ouverture à la concurrence, qui permettra d’améliorer très significativement l’offre pour les usagers, tout en assurant le prix juste pour la Région. »
Du côté de Transdev, on évite tout triomphalisme, tant que le vote définitif n’est pas acquis. « Forts de notre expertise ferroviaire internationale, nous sommes convaincus que l’ouverture à la concurrence permet de redynamiser le train du quotidien, au service de la performance des transports en commun et de la transition écologique », s’est contenté de rappeler le PDG de la firme Thierry Mallet.
Du côté de la SNCF, la pilule est évidemment plus difficile à avaler, même si le PDG de SNCF Voyageurs Christophe Fanichet a, très sportivement, souhaité « le meilleur succès à Transdev, dans l’intérêt des voyageurs et du développement du transport ferroviaire dans la région ». Et de confier dans une interview à Régions Magazine (lire par ailleurs dans ce numéro) : « Dans cette région, nous avons candidaté aux deux lots et avons été proposés par la Région pour exploiter un des deux lots, correspondant aux deux tiers des trains mis en concurrence. Je la remercie de cette marque de confiance. Quand je me souviens de ce qu’on disait de la SNCF il y a quelques années, cela montre qu’on peut gagner ».
Et de poursuivre : « Alors bien sûr, perdre un lot reste une déception collective et même un choc, car les cheminots se sont beaucoup investis, et je veux les saluer. Quand vous êtes dans une compétition, vous faites tout pour gagner mais vous savez que vous pouvez perdre, ce n’est pas une surprise. D’ici 2025 et la mise en œuvre de ce marché, nous continuerons d’exploiter tous les TER dans la région et nous aurons à cœur d’assurer une transition réussie. »
Les réactions n’ont pas manqué à la suite de cette annonce. Pour l’ex-vice-président aux Transports de la Région Sud Philippe Tabarot, qui a géré ce dossier jusqu’aux dernières élections régionales, il s’agit d’une décision « historique dans le monde ferroviaire ». Mais le secrétaire général de l’UNSA ferroviaire Didier Mathis, s’inquiète pour sa part. « Nous sommes inquiets car ce ne sera pas sans coût pour les cheminots », s’est-il alarmé. « Nous sommes attristés de cette décision car cela va entraîner le transfert de 166 agents de la SNCF vers Transdev ».
Il est vrai que cette annonce, et très certainement le vote du 29 octobre, n’iront pas sans poser de multiples questions : achat de nouvelles rames, accord sur la gestion des lignes (la SNCF restant l’exploitant des infrastructures), transfert des personnels (le statut des salariés Transdev, tourné vers la polycompétence, étant assez différent de celui de la SNCF). D’autant que d’autres Régions pourraient suivre le train de la Provence Alpes-Côte d’Azur (lire en encadré). Ce voyage-là ne fait que commencer.
Philippe Martin
Quatre autres Régions concernées
L’ouverture à la concurrence ne concerne pas que la Provence-Alpes-Côte d’Azur, puisque quatre autres Régions ont annoncé leur volonté de l’expérimenter : l’Île-de-France, les Pays de la Loire, le Grand Est et les Hauts-de-France. S’agissant des deux dernières, pour lesquelles Transdev a déjà candidaté, trois lots sont d’ores et déjà proposés à l’ouverture.