De la transition énergétique aux Gilets jaunes : radiographie d’une crise
Nous devrions être en train de nous passionner pour la COP24. Au lieu de cela, nous contemplons, effarés, les images de véhicules blindés dans les rues de Paris.
Philippe Martin
Nous devrions être en train de nous passionner pour la COP24. Au lieu de cela, nous contemplons, effarés, les images de véhicules blindés dans les rues de Paris.
En principe, en ce début décembre, nous aurons dû nous passionner pour la COP24, la 24èmeconférence des Nations-Unies sur les changements climatiques, qui se tient en Pologne, à Katowice, jusqu’au 14 décembre. Nous aurions dû examiner, avec sérénité, les progrès enregistrés depuis l’accord de Paris, conclu en décembre 2015 lors de la COP21, pour atteindre l’objectif de limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C. Nous aurions dû les comparer avec le rapport très alarmiste rendu par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), qui au mois d’octobre a prévenu que les températures moyennes vont augmenter de 1,5° entre 2030 et 2050 si le changement climatique se poursuit au même rythme. C’est dans cet esprit que Régions Magazine a souhaité proposer à ses lecteurs un bilan de la COP21, trois ans après, en examinant de près ce qu’il s’est passé depuis dans nos régions. On trouvera ce dossier d’une cinquantaine de pages en p.41.
Seulement la voilà… La COP24 est passée au deuxième plan, voire bien plus loin. Dans notre pays, les dernières semaines ont été rythmées par des images qui relèvent davantage de la guerre civile que de la transition écologique. Les affrontements d’une grande violence qui se sont déclenchés à Paris et dans plusieurs villes de province le samedi 1erdécembre, se sont poursuivis sous d’autres formes le samedi suivant. Le mouvement des Gilets jaunes, d’abord né d’un ras-le-bol fiscal face à l’augmentation programmée du prix du carburant, a pris une ampleur sans doute jamais vue dans notre pays, en tout cas depuis mai 68. Et encore, ce mouvement est-il d’une autre nature, allant jusqu’à remettre en question les fondements mêmes de la République.
Face à cette lame de fond, l’exécutif a terriblement tardé à réagir. Et a changé de cap à plusieurs reprises, tout en affirmant le contraire. A l’heure où nous mettons sous presse, on est passé du “nous ne céderons rien sur l’augmentation du carburant”à un “moratoire de quelques mois”, et enfin à une suppression pure et simple des hausses des prix des carburants pour 2019. Et on ne sait pas encore comment seront accueillies les nouvelles annonces d’un président de la République étrangement muet depuis le début de la crise, à l’exception de son discours du 27 novembre sur la programmation de l’énergie, parfaitement inaudible et surtout rendu obsolète depuis par ses propres décisions.
Lire la suite dans Régions Magazine n°146, dans les kiosques cette semaine.
Les dix chiffres qui expliquent la crise
+ 1,5 %
La hausse des salaires des ouvriers et employés français entre juin 2017 et juin 2018.
+ 2,2 %
La montée des prix sur cette même période.
+ 22,6 %
La hausse du prix du gazole d’octobre 2017 à octobre 2018.
60 %
La part de taxes diverses dans le prix d’un litre de carburant.
19 %
Le pourcentage de la TICPE qui est directement affecté à la transition écologique. Le reste se partage entre le budget général de l’Etat (45 %), les collectivités locales (32 %), les infrastructures routières et ferroviaires.
34
En milliards d’euros, les rentrées prévues en 2018 grâce à la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), avec une hausse prévue (mais annulée depuis) de 11,5 %.
40
Les 1 % des Français les plus riches émettent 40 fois plus de gaz à effet de serre que les 10 % des Français les plus pauvres, qui financent pourtant l’essentiel de la transition énergétique via la TICPE (étude “Carbon and Inequality”.)
+ 3,7 %
La hausse du SMIC brut entre 2008 et 2017. Dans le même temps, le salaire moyen a augmenté de 7 %. Plus d’un salarié français sur dix est payé au SMIC.
40 %
Le volume d’électricité qui doit être produite par l’énergie verte d’ici à 2030, d’après la programmation de l’énergie présentée par le président de la République le 27 novembre. Hors hydroélectricité, ce chiffre est actuellement de 10 %.
14
Le nombre de véhicules blindés de la gendarmerie qui ont été utilisés pour le maintien de l’ordre à Paris le dimanche 9 décembre. C’était la première fois que de tels engins étaient appelés à intervenir dans la capitale.