Grimper jusqu’au Top 5… d’Europe !
L’objectif est très ambitieux, mais les atouts ne manquent pas dès lors qu’il s’agit de développer le tourisme régional de façon cohérente et concertée. Décryptage de la stratégie adoptée.
Philippe Martin
L’objectif est très ambitieux, mais les atouts ne manquent pas dès lors qu’il s’agit de développer le tourisme régional de façon cohérente et concertée. Décryptage de la stratégie adoptée.
Bien sûr, une région comme Auvergne-Rhône-Alpes se doit de jouer à fond la carte du tourisme : compte tenu des atouts dont elle dispose, il serait incompréhensible qu’elle fasse autrement. Mais il y a plusieurs façons de le faire. On peut soit conforter l’existant, soit viser beaucoup plus haut. “C’est le choix que nous avons fait, annonce Nicolas Daragon, vice-président du conseil régional en charge du tourisme et du thermalisme. Aujourd’hui, sur le plan de l’activité touristique, nous nous classons soit à la deuxième, soit à la troisième place des régions françaises, en fonction du moment ou du critère retenu. Nous visons la deuxième place. Surtout, nous voulons intégrer le top 5 européen dans les cinq années qui viennent”. Et là, c’est une autre paire de manches.
Pourtant, les arguments qui plaident en faveur de cet objectif ambitieux ne manquent pas. Auvergne-Rhône-Alpes pèse déjà 11 % du marché touristique français, avec ses 20 Md€ de consommation touristique annuelle et ses 160.000 emplois liés au tourisme. “Surtout, c’est le seul secteur d’activité qui crée de l’emploi en permanence, et qui a continué à en créer, même en période de crise. La clientèle augmente chaque année, avec une forte proportion de Français fidélisés, puisqu’ils représentent plus de 80 % de nos visiteurs. Mais aussi des marges de progression importantes, d’abord chez les habitants de notre propre région, (28 % des clients), dans les pays limitrophes, et dans les destinations plus lointaines”. Si nos voisins italiens, suisses, allemands ou néerlandais sont friands des paysages rhônalpins ou auvergnats, ceux-ci commencent à attirer de plus en plus de Chinois, Japonais, Américains ou Canadiens. La présence de deux aéroports internationaux sur le territoire, Lyon-Saint-Exupéry bien sûr mais aussi Genève, à proximité immédiate de nombreux lieux de séjour, favorise cette expansion plus lointaine.
Parallèlement, la Région a développé une stratégie qui va prendre toute son ampleur sur la durée du mandat. Il a fallu commencer par restructurer les outils existants, fusionner les deux comités régionaux de tourisme en une entité : Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme. “Compte tenu de la baisse des financements publics, explique son directeur général Lionel Flasseur, nous avons commencé par restaurer des marges de manœuvre, en cherchant à mieux utiliser nos ressources existantes”. Ce qui s’est d’abord traduit par un plan de départs volontaires, faisant passer les effectifs de 80 à 64 salariés. Et une redéfinition des missions, autour de quelques grands axes de travail : fédérer les partenaires touristiques, développer les compétences des acteurs de la filière “avec un vaste choix de formations proposées dans le cadre de nos programmes Trajectoires”. Mais aussi accompagner les territoires sur le plan de l’ingénierie, et bien sûr assurer la promotion des thématiques majeures. “Il nous a fallu tout à la fois valoriser nos destinations à travers un catalogue varié qui comprend des marques-destinations telles que Savoie Mont-Blanc, Auvergne, Lyon, Drôme Provençale, Beaujolais, mais aussi travailler sur la globalité de la région”, détaille le directeur du CRT.
De Savoie Mont Blanc à Lyon en passant par Drôme Provençale, toute une série de marques.
Car c’est une des caractéristiques de cette grande région touristique : elle ne constitue pas une “marque” à proprement parler, comme peuvent l’être Paris ou la Côte d’Azur. Mais elle offre une gamme extraordinairement variée de possibilités. Qu’il faut exploiter, thème par thème.
“Notre stratégie Horizon 2020 vise à exploiter simultanément toute une série d’activités, en travaillant aux côtés des acteurs concernés”, complète Nicolas Daragon, à la fois vice-président du conseil régional, président d’Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme mais aussi maire de Valence et président de la communauté d’agglomération Valence-Romans.
Et cela commence évidemment par la montagne. Avec ses 173 stations de ski, la région représente à elle seule 70 % de l’économie de la montagne française, accueillant 80 millions de nuitées chaque année, ce qui en fait, et de loin, la première région européenne dans ce domaine. Les investisseurs privés ne s’y trompent pas, qui continuent de s’y manifester, à l’image du Club Med qui après les rénovations de Val Thorens, Arc 2000 et Valmorel, a ouvert en décembre 2017 le Grand Massif Samoëns-Morillon et Haute-Savoie (100 M€ d’investissements), et ouvrira en décembre 2018 les Arcs 1600 (100 M€). Le Club Med prévoit ensuite l’ouverture d’un nouveau village par an ! Tignes, Les Deux Alpes ou Avoriaz sont les premiers concernés.
Au-delà, le plan “Territoires de montagne 4 saisons”, qui vient d’être adopté, va bénéficier à 22 territoires qui seront accompagnés dans leur démarches de diversification touristique. La Région s’engage à financer ou co-financer les études de faisabilité, des équipements touristiques et de loisirs, ou encore des matériels liés à diversifier l’activité au-delà de la seule saison hivernale. Une opération dotée de 14 M€.
Deuxième volet important : le tourisme itinérant et de grande randonnée. Il y a bien sûr la ViaRhôna, cette piste cyclable géante de 815 km qui relie le lac Léman à la Méditerranée, et dont le succès ne se dément pas. 40 M€ seront ainsi consacré à la compléter (notamment au sud de Lyon), à créer des véloroutes supplémentaires (dont 27 km en voie verte le long de l’Allier entre Pont-du-Château et Authezat). Et à accompagner toutes les formes de tourisme itinérant, qu’il soit cyclable, équestre, fluvial, et bien sûr de randonnée. “L’enjeu est considérable sur le plan économique, précise Nicolas Daragon. Il faut savoir que la dépense moyenne d’un touriste se monte à 56 euros/jour, et à 70 euros/jour sur la ViaRhôna.”
Dans un registre un peu similaire, les activités de pleine nature sont en pleine explosion, autour de la Chaine des Puys, des nombreux parcs régionaux et nationaux, ou des possibilités équestres, nautiques ou aériennes qu’offre la région. Une Maison du Tourisme fluvial va ainsi voir le jour au port de plaisance de l’Epervière, à Valence.
La relance du tourisme thermal
Le bien-être thermal, au-delà d’une image un peu désuète liée au vieillissement de la clientèle comme des équipements, vit une période de renouveau. “Il a fallu passer de la cure financée par la Sécurité Sociale, à la notion de séjour-santé-bien-être”, admet Nicolas Daragon. Mais ce marché, qui représente 14 % du chiffre d’affaires du tourisme dans le monde, a retrouvé une vigueur nouvelle.
Avec ses 24 stations thermales qui accueillent chaque année 130.000 curistes et génèrent 18.000 emplois directs, Auvergne-Rhône-Alpes bénéficie d’un potentiel énorme, auquel il convient de donner un coup de jeune. D’où le lancement par la Région d’un “Plan thermal” doté de 20 M€, qui va bénéficier dans un premier temps à 15 stations. Et compléter les initiatives publiques ou privées qui se multiplient ces deux dernières années. L’acquisition par le groupe L’Oréal des Thermes de Saint-Gervais Mont-Blanc génère par exemple un investissement de 5,2 M€, afin de le transformer en un modèle permettant d’accueillir les spécialistes médicaux du monde entier. Dans le même ordre d’idées, on signalera la rénovation complète des Thermes de Brides-les-Bains (14 M€) ; ou encore le projet d’investissement (France Thermes et Caisse des Dépôts) de 33 M€ à Châtelguyon en Auvergne.
Enfin, on ne saurait passer sous silence tout ce qui tourne autour de l’art de vivre : gastronomie, œnotourisme. De Lyon, capitale française de la gastronomie, au tourisme vini-viticole autour des quatre vignobles de la région, il y a largement ici de quoi se réjouir les yeux et le palais ! Qui plus est autour d’un projet très fédérateur, puisque trois Régions, Bourgogne-Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d’Azur et bien sûr Auvergne-Rhône-Alpes ont décidé de s’allier pour lancer la Vallée mondiale de la gastronomie. “L’idée est de recréer en quelque sorte la mythique Nationale 7”, se réjouit Nicolas Daragon, en s’appuyant sur toute une série d’ouvertures programmées dans les deux années à venir : Cités internationales de la gastronomie à Dijon et Lyon (celle-ci prévue pour 2019 à L’Hôtel-Dieu), Cité du Goût à Valence, Cité de la Gastronomie à Marseille…
Rénovation de l’hébergement et sites emblématiques
Au-delà de cette action thématique, la Région a décidé d’engager deux stratégies transversales. D’abord, la rénovation de l’hébergement touristique (hôtellerie, centres de vacances en montagne), indispensable pour satisfaire les visiteurs. “Nous l’avons dotée d’un budget de 6 M€ qui permet d’accompagner les hébergeurs en ingénierie, de subventionner les projets jusqu’à 60.000 €, ce qui déclenche d’autres financements”, précise le vice-président en charge du tourisme.
Et enfin la campagne autour de 26 sites emblématiques qui font l’histoire de la région, résultat d’un vote auquel ont participé plus de 45.000 habitants. Du Viaduc de Garabit à la Caverne du Mont d’Arc, du Monastère de la Grande Chartreuse à Notre-Dame de Fourvière, en passant par le “coup de cœur” des habitants, le village médiéval de Pérouges dans l’Ain, ces sites seront accompagnés à hauteur de 2 M€ afin de poursuivre leur développement.
Le tout s’accompagnant d’une vaste campagne de communication autour de la thématique “Renaître ici”, une “promesse attractive” mais surtout un excellent moyen de fédérer l’ensemble des acteurs de la filière : ils étaient déjà 600 à se réunir lors des premières Assises du tourisme en décembre 2016, et ce n’est qu’un début.