Elisabeth Borne : “Nous accompagnerons les Régions dans la modernisation des lignes”
Ouverture à la concurrence, modernisation des lignes, desserte TGV de villes moyennes : la ministre des Transports a répondu à Régions Magazine.
Propos recueillis par Philippe Martin
Ouverture à la concurrence, modernisation des lignes, desserte TGV de villes moyennes : la ministre des Transports a répondu à Régions Magazine.
Elle a été directrice de la stratégie de la SNCF, préfète de la région Poitou-Charentes, conseillère de ministres aussi variés que Jack Lang, Lionel Jospin ou Ségolène Royal, avant de devenir directrice générale de la RATP. Mais c’est comme ministre des Transports dans le gouvernement d’Edouard Philippe qu’ElisabethBorne est réellement apparue aux yeux du grand public, surtout depuis qu’elle est en charge de la réforme de la SNCF, de la défense du projet de loi… et des négociations avec les syndicats. Ce qui lui vaut, entre autres, d’affronter une des plus longues grèves de l’histoire de la SNCF.
A l’occasion de l’émission Territoires d’Infos, diffusée sur l’antenne de Public Sénat, Elisabeth Bone a répondu aux questions de Régions Magazine.
Régions Magazine : Le gouvernement a finalement accepté la reprise de la dette de SNCF Réseau, à hauteur de 35 Md€. Or cette proposition figurait déjà dans le rapport Spinetta (lire dans les pages suivantes l’interview de Jean-Cyril Spinetta).Pourquoi ne pas l’avoir intégrée dès le début au projet de loi, ce qui aurait peut-être permis d’éviter un conflit qui pénalise durement les usagers ?
Elisabeth Borne : Si c’était si simple, on pourrait supposer que les précédents gouvernements l’auraient déjà fait depuis longtemps… C’est une responsabilité importante de reprendre une part aussi substantielle de la dette, c’est évidemment nous tous – l’Etat, le contribuable – qui y feront face. Même s’il n’y aura pas d’“impôt SNCF”, ce sera inscrit dans l’ensemble des dépenses publiques. On ne peut mettre en place une telle réforme sans s’assurer que cette dette ne se reconstituera pas. C’est ce travail qui a été fait par le gouvernement, en lien avec la SNCF, et qui a débouché sur la décision de reprise de la dette.
RM : Les Régions financent déjà le TER, même chose à présent pour une partie des Intercités, est-ce encore à elles de porter le poids de la modernisation des lignes secondaires ?
EB : Les Régions, effectivement depuis la décentralisation, assument la responsabilité des TER, elles reçoivent les dotations correspondantes pour assumer cette responsabilité. S’agissant des Intercités, je voudrais rappeler que l’Etat va engager 3,7 Md€ pour moderniser le matériel avant la reprise d’un certain nombre d’Intercités par les Régions. Et puis l’Etat et les Régions, dans le cadre des CPER(contrats de Plan Etat-Région),modernisent également des lignes.
Il faut être clair : on a un retard considérable dans l’entretien et la modernisation de notre réseau. On va investir 36 Md€ (NDLR : pour combler la dette), et un milliard de plus pour remettre en état le cœur du réseau. De plus l’Etat et les Régions peuvent mettre 1,5 Md€ dans le cadre des contrats de plan pour moderniser les lignes moins fréquentées, et on va continuer à accompagner les Régions dans ce sens, je l’ai dit et je le répète.
RM : Allez-vous auditer ces petites lignes pour déterminer celles qui peuvent être maintenues, celles qui peuvent être supprimées ou remplacées par des bus, sachant que ce n’est pas possible partout ?
EB : Dans le cadre des textes adoptés, il est effectivement prévu d’établir un rapport sur l’état des lignes. Le but, c’est de ne pas être pris par surprise comme cela a été le cas dans la préparation des actuels contrats de plan, où certains présidents de Région – en fait tous les présidents de Région m’ont dit avoir été confrontés à cette difficulté – ont signé un contrat de plan, et presque au lendemain de la signature, ils ont découvert que certaines lignes avaient besoin de travaux urgents. A défaut de ces travaux, il y avait une menace pour la pérennité de la ligne. Eh bien c’est de cela que l’on veut sortir, grâce à un rapport sur l’état de ces lignes, pour pouvoir cibler avec précision les investissements.
“Je suis attachée au modèle de TGV à la française, qui dessert les territoires au-delà des métropoles.”
RM : S’agissant de la desserte TGV des villes moyennes, une sur six serait menacée de disparition après l’ouverture à la concurrence. Les sénateurs Hervé Maurey et Gérard Cornu disent pour leur part : “la responsabilité du maintien des dessertes locales ne saurait peser sur les seules Régions, en l’absence de financements spécifiques. Or rien ne dit que l’Etat compte s’engager dans cette voie, alors qu’il vient tout juste de transférer une grande partie des Intercités aux Régions”.Etes-vous favorable à l’“open access”, qui autorise les repreneurs éventuels à ne reprendre que les lignes rentables, ou aux “contrats de service public” qui permettrait au contraire de préserver notamment les dessertes directes sans correspondance ?
EB : Je suis très attachée au modèle du TGV à la française, qui est accessible à tous et qui dessert les territoires au-delà des lignes à grande vitesse, au-delà des métropoles. Et c’est bien dans ce sens que nous avons travaillé avec le projet de réforme, à travers l’idée que la péréquation qui se fait aujourd’hui dans l’activité entre les TGV qui sont rentables et ceux qui le sont moins, devra se faire demain au travers des péages. Les sénateurs ont dit très explicitement qu’on pourrait prévoir par ailleurs en complément des contrats de service public. Je suis favorable à ce qui a été présenté en commission. C’est important de rassurer les Français, de rassurer les élus de ces villes sur la volonté du gouvernement de maintenir ces dessertes.