De la graine à la crème
Philippe Martin
Ça commence comme une chanson de Joe Dassin : « c’était l’automne, une saison qui n’existe que dans le Nord de l’Amérique. Là-bas, on l’appelle l’été indien… » « Nous étions en voyage en famille aux Etats-Unis, nous avons été saisis, époustouflés par la beauté de ces arbres, les couleurs, la splendeur de cet automne », raconte Antoine Vernholes avec un brin d’émotion dans la voix. “Mon père, Alain Vernholes, a décidé de planter ces arbres à Rémalard, sa région d’origine, dans la vallée du Boiscorde. Nous avons multiplié les voyages depuis 1982 et revenions en France, les poches pleines de graines que l’on plantait dans le Perche! ”.
Créé voici quarante ans, entre un plateau sableux et une vallée tourbeuse, l’Arboretum de Boiscorde abrite aujourd’hui entre 500 et 600 arbres (ou sujets) venus de tous les coins du monde. Mariage du caractère vallonné du Perche et des flamboyantes couleurs d’automne, la collection a pris forme : près de 20 hectares de bonheur pour les amoureux des arbres, que l’on peut découvrir lors de visites guidées, entre fin septembre et novembre. Groupes d’amateurs, de scientifiques, ou d’écoliers se retrouvent à Rémalard-en-Perche pour admirer chênes et érables, sorbiers et gommiers noirs, venus d’Amérique du Nord ou d’Asie profiter de la riche terre du Parc Naturel du Perche.
Cet “espace de beauté, culturel et pédagogique” va continuer d’enchanter les visiteurs. Plus récemment, l’arboretum a inspiré la double aventure d’Arboretum Ingredients, des ingrédients naturels, et de Silva Mundi, sous l’impulsion d’Antoine Vernholes et d’un groupe d’amis experts. « Nous savons tous que l’on peut faire beaucoup de choses avec les plantes, dans le domaine de la pharmacopée ou de la cosmétique. Ce que l’on connaît moins, ce sont les possibilités infinies qu’offrent les arbres », explique aujourd’hui l’associé fondateur de “Silva Mundi”
L’idée de départ est simple : il s’agit de remplacer l’eau, présente à près de 90 % dans les produits cosmétiques, par un actif naturel qui en décuple l’efficacité: la sève des arbres. Les premiers tests réalisés étaient prometteurs. « Nous avons alors décidé de basculer dans une optique économique, en créant d’abord une société d’investissement, BABE Invest (NDLR : comme Beauté Alimentation Bien-être), puis deux marques, Arboretum Ingredients pour la collecte des matières premières, et Silva Mundi comme marque de cosmétiques ». Dans leurs démarches, les initiateurs du projet reçoivent le soutien de Bpifrance et de la Région Normandie.
Ils mettent alors au point un écosystème régional pour le moins original. D’abord, le matériau de base vient de quatre arbres, saule, gingko, bouleau et érable, 100 % “made in Perche”, dont on utilise la sève, mais aussi les feuilles et le bois de taille : difficile de faire plus “biosourcé” !
Les recherches sur les produits sont effectuées en local soit avec des chercheurs intégrés dans l’équipe, soit avec des partenaires régionaux. D’autant que, si le parc se trouve en Normandie, il est également en lisière de la Région Centre-Val de Loire et de sa “Cosmetic valley”. Même concernant la distribution, l’équipe d’entrepreneurs privilégie les circuits courts : « nous avons choisi de ne pas être présents dans les grandes surfaces spécialisées mais de nous appuyer sur un réseau de VDI (vendeurs à domicile indépendants) validé certifié par la FVD ». Une dizaine d’entre eux ont déjà commencé à travailler en France, ils seront une trentaine d’ici Noël. « Et on espère 300 l’an prochain ! » D’autant que les premiers retours de ventes, sur un échantillon de public ciblé, sont plus que prometteurs.
Un écosystème où tout se trouve rassemblé dans un rayon d’une trentaine de kilomètres, avec une traçabilité absolue de tous les produits, « de la graine à la crème » en quelque sorte. « Nous sommes à fond dans le made in France, dans le made in Normandie, dans le made in Perche ! », conclut Antoine Vernholes, avec un enthousiasme capable de faire pousser un arbre dans le désert.
Le soutien de la Région Normandie et de Bpifrance
Dans leurs étonnantes entreprises, l’équipe des fondateurs et la dizaine de salariés, dont deux docteurs en science et une directrice commerciale, ont pu s’appuyer sur Bpifrance et la Région Normandie dont ils louent l’efficacité. « Un soutien très en amont de la part de la Région, qui a joué un rôle de conseil indispensable, avec l’accompagnement de Bpifrance, dont l’appui financier structurant nous a aussi ouvert les portes des banques mutualistes!».
« Nous sommes aussi les toutes premières “entreprises à mission” de Normandie, s’enorgueillit Antoine Vernholes. Nous avons aussi signé une convention avec la Région et l’Université de Normandie, afin de travailler dans un laboratoire moderne du campus d’Evreux ».
Philippe Martin