Une médiation pour le Grand Est
Devant les velléités autonomistes de l’Alsace, l’État a délégué à la préfète du Grand Est la mission d’émettre des propositions. La tâche ne s’annonce pas simple. Explications.
Philippe Martin
C’est l’histoire sans fin. Depuis la constitution des grandes régions en 2015, l’Alsace, ou tout au moins une partie des Alsaciens, n’a cessé de réclamer, au minimum une autonomie spécifique, et au maximum la sortie complète du Grand Est. L’État pensait avoir résolu la question en créant, via la loi d’août 2019, la Collectivité Européenne d’Alsace (CEA), fusion des anciens conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, dotée de compétences spécifiques en matière de gestion des routes nationales, de coopération transfrontalière ou encore de tourisme.
Mais il n’en a rien été, bien au contraire. A peine créée, la CEA, sous l’impulsion de son président Frédéric Bierry (LR), s’est mise à revendiquer davantage de compétences, voire la création d’une collectivité unique fusionnant les attributions régionales et départementales. Et donc la sécession pure et simple d’avec le Grand Est.
Pour appuyer cette revendication, elle a organisé, de décembre 2021 à février 2022, une consultation sur la sortie de l’Alsace du Grand Est : 92 % des votants se sont déclarés pour, mais ils n’ont été que 150.000 à participer à cette consultation, soit seulement 12 % du corps électoral alsacien. Lequel, il faut s’en souvenir, s’était prononcé contre la fusion des deux anciens Départements, lors d’un référendum régional le 7 avril 2013. Et il y avait eu cette fois plus de 450.000 participants…
« rouvrir la question des transferts de compétences, mais pas faire de grand jeu institutionnel »
De son côté, le président de la République a, d’une certaine façon, sifflé la fin de la récréation lors de son passage à Strasbourg le 26 avril dernier, pour la signature du 15ème “contrat triennal Strasbourg, capitale européenne”. « Il faut rouvrir la question des transferts de compétences, mais pas faire de grand jeu institutionnel », a déclaré Emmanuel Macron.
Une répartition de compétences différentes
Pas question pour lui de toucher au redécoupage des régions, notamment en ce qui concerne les transports ou l’aménagement du territoire. Mais la possibilité d’une répartition de compétences différentes dans le domaine « du sport, de l’artisanat, du commerce ». « Un message de mépris pour l’Alsace », a lancé le maire LR de Colmar Éric Strautmann. Une « gifle cinglante pour l’Alsace » selon le président du mouvement régionaliste UnserLand, Jean-Georges Trouillet.
De son côté le président de la Région Grand Est Franck Leroy prône l’apaisement. Il se dit ouvert à des négociations sur les transferts de compétences, mais formellement opposé à toute scission. Avec de nouveaux arguments en sa faveur. D’abord le soutien clair et tranché d’une trentaine de maires alsaciens influents, dont ceux de Strasbourg, Mulhouse, Haguenau ou Saverne, qui dans un courrier adressé à l’Elysée fin avril, écrivent : « Une nouvelle modification de l’organisation territoriale serait incompréhensible, contre-productive et irrespectueuse du travail entrepris par le plus grand nombre depuis 2016 ».
Grand Est, deuxième région la plus attractive de France
De son côté, la présidente de l’Eurométropole de Strasbourg Pia Imbs, affirme que « l’Alsace n’a rien perdu de son identité depuis son absorption par la Région Grand Est ».
Autre argument qui plaide en faveur de Franck Leroy, les résultats du récent Sommet Choose France qui font apparaitre le Grand Est comme la « deuxième région la plus attractive de France », avec huit projets d’implantation validés pour un montant de 2,7 milliards d’euros.
Un palmarès dans lequel l’Alsace se taille la part du lion, avec le projet d’un Datacenter géant de Microsoft, à Petit-Landau près de Mulhouse pour un montant estimé à 2 milliards d’euros ; un investissement de la firme allemande Hager dans ses quatre sites alsaciens (production de relais électriques), à hauteur de 120 M€ ; ou encore l’arrivée des Suédois d’Essity, 30 M€ d’investissements en Alsace dans les domaines de l’hygiène et de la santé.
Des résultats, que, selon Franck Leroy, l’Alsace seule n’aurait jamais réussi à obtenir, affirmant par ailleurs que « depuis six ans, on a investi en Alsace 74 % de plus que ne pouvait le faire l’Alsace, parce que, quand on est une grande région, on a des moyens et une influence supplémentaires ».
C’est dans ce climat quelque peu tendu que l’exécutif a confié à la préfète du Grand Est Josiane Chevalier, la mission de proposer de nouvelles délégations de compétences au profit de la Collectivité européenne d’Alsace. Dans cette intention, elle a organisé une première réunion le 14 mai avec Frédéric Bierry et Franck Leroy.
« Les échanges se sont déroulés dans un climat constructif, et un accord sur un programme de travail a été établi, avec des rencontres régulières », a précisé la préfecture dans un communiqué, à l’issue de cette première réunion. Une déclaration suffisamment vague pour laisser la place à toutes les interprétations. Une chose est sûre : pour le Grand Est, l’union est et restera un combat.
Trois podiums pour le Grand Est
La Région Grand Est a obtenu des résultats plus qu’enviables lors du dernier sommet Choose France : 1ère pour les investissements étrangers ; 2ème en nombre de projets d’implantation ; 3ème en attractivité.
Lire la suite de cet article dans le n°171 de Régions Magazine à paraître prochainement.