Corse : “l’occasion manquée”
Pour les nationalistes à la tête de l’exécutif corse, la visite du président de la République sur l’île s’est soldée par une série de déceptions.
Manon Perelli
Pour les nationalistes à la tête de l’exécutif corse, la visite du président de la République sur l’île s’est soldée par une série de déceptions.
Il est 21h30 le 6 février, quand le président de la République quitte la collectivité de Corse, les ministres Gérard Collomb et Jacqueline Gourault dans son sillage, le 6 février. Arrivé dans la matinée à Ajaccio, Emmanuel Macron effectue son premier déplacement sur l’île et vient de rencontrer les dirigeants nationalistes. Gilles Simeoni, président du conseil exécutif, et Jean-Guy Talamoni, président de l’Assemblée de Corse, accusent le coup. Rien ne filtre sur cette séance de travail, mais les mines graves laissent supposer que le chef de l’Etat s’est montré intransigeant face aux revendications portées par la majorité territoriale. Plus tôt dans la journée, il a déjà balayé d’un revers de manche l’amnistie des “prisonniers politiques” lors de la commémoration de la mort du préfet Erignac. “La page ne peut être tournée, car elle est tâchée de sang”, a cinglé la veuve du préfet Dominique Erignac dans un moment de grande émotion, ajoutant : “il faut se souvenir qu’à travers Claude, c’est la République qu’on a voulu abattre. J’espère que la République ne faiblira jamais en Corse”.
Le lendemain, à Bastia, la crispation se lit sur les visages alors qu’Emmanuel Macron débute son discours sur la stratégie pour l’avenir de l’île. “Il n’y a pas de réussite de la Corse si l’Etat n’y tient pas son rôle”. Le ton est donné. Sur scène, dix drapeaux. Cinq français, cinq européens. Comme une réponse à toute velléité d’autonomie, le président rappelle que la nouvelle collectivité unique dispose déjà des compétences “les plus importantes de la France métropolitaine. Vous avez des leviers que nul autre avant vous n’a pu connaître”, lance-t-il à l’égard de Gilles Simeoni.
Puis, dans un discours d’autorité, le chef de l’Etat s’attache à démonter, une à une, les demandes des nationalistes. Non au statut de résident, non à un statut fiscal, non à la co-officialité de la langue corse. Enfin, il lâche du lest et se dit favorable à une reconnaissance constitutionnelle. “Je respecte le souhait que la Corse soit mentionnée dans la Constitution. Je le prends comme une marque de confiance : c’est la volonté d’un ancrage fort dans la République”, souligne-t-il en se disant prêt à aller plus loin que l’article 72 et à reconnaître les spécificités de la Corse. Reste à préciser le cadre.
Douche froide
Le poing fermé tout au long de son propos, le président tente tout de même d’arrondir les angles. “Demeurer dans le giron de la République ce n’est pas perdre son âme ni son identité, c’est bénéficier de la solidarité nationale”, insiste-t-il en promettant que l’Etat s’engagera pleinement aux cotés de la collectivité. “Faire partie intégrante de la 5ème puissance du monde est un atout inouï, faites-en bonne usage”.
Pour les nationalistes c’est la douche froide. “C’est un discours très en-deçà des attentes des nationalistes et d’un très grand nombre de Corses, fustige Gilles Simeoni, nous considérons que c’est une occasion manquée”. “Les Corses ont été humiliés par les réponses qui ont été données”, accuse quant à lui Jean-Guy Talamoni. “Le principe de l’inscription dans la Constitution doit se prolonger par la définition d’un statut d’autonomie, conformément au mandat qui nous a été donné par le suffrage universel. Nous considérons que ce statut doit s’inscrire dans le cadre de l’article 74 de la Constitution ou d’un article spécifique consacré à la Corse”, ajoute Gilles Simeoni, concluant : “nous allons mobiliser l’ensemble des forces vives de l’île pour convaincre le président de la République”.
Les Bretons demandent un “droit à la différenciation”
Il n’a pas perdu de temps : sitôt l’annonce par Emmanuel Macron que l’identité corse pourrait être mentionnée dans la Constitution, Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne, a fait savoir qu’il demandait lui aussi pour sa région un “droit à la différenciation” au sein de la République. Les élus bretons seront invités à en débattre mi-février.