Verte et mûre
La Banque européenne d’investissement a présenté de spectaculaires résultats pour 2022, plus que jamais liés au climat et à l’autonomie industrielle de notre pays.
Un banquier, par définition, reste toujours prudent. Même quand il est le banquier de l’Europe, et surtout en ces temps tellement incertains, y compris pour la finance internationale. Pourtant, en présentant les résultats de la Banque Européenne d’Investissement pour 2022, son vice-président Amboise Fayolle n’a pu se départir d’un (très) léger sourire.
D’abord en raison de l’assistance, une salle emplie à ras bords de journalistes désireux d’en savoir plus sur la “banque verte de l’Europe”. Les habitués des lieux n’ont pas toujours connu une telle affluence, et évoquent volontiers certaines conférences de presse où les représentants de la BEI étaient plus nombreux que les journalistes présents… Une bonne façon de mesurer l’intérêt que l’activité de la BEI suscite désormais dans notre pays.
Ensuite parce que les résultats de l’institution bancaire démontrent une activité très soutenue, avec près de 10 milliards d’euros en France en 2022, 8,4 Md€ pour la BEI elle-même, 1,5 Md€ pour le FEI (Fonds européen d’investissement, filiale dédiée au financement des PME).
Mais il y a plus important : dans sa démarche en faveur du climat, la BEI est sensiblement en avance sur ses objectifs, puisque 70 % des volumes d’investissement financés lui sont dédiés, d’une manière ou d’une autre. « Notre objectif était d’atteindre 50 % de nos prêts consacrés à la lutte conte le changement climatique dès 2025, nous sommes donc très en avance sur notre tableau de marche », admet Amboise Fayolle. « Ce qui confirme notre rôle moteur dans la transition verte de l’Europe, avec des prêts accordés dans des secteurs critiques comme les semi-conducteurs, l’hydrogène bas-carbone ou les batteries électriques, ce qui contribue également au renforcement de notre autonomie industrielle ». Celle-ci étant, on l’aura compris, la seconde préoccupation majeure de la BEI, l’une n’étant évidemment pas exclusive de l’autre, bien au contraire.
La preuve par exemple avec le prêt consenti à l’équipementier automobile Faurecia, 315 Md€ pour la R&D dans le stockage de l’hydrogène et des innovations liées à la mobilité ; au loueur de matériel Loxam pour l’électrification de ses engins de chantier ; ou à Enedis pour le déploiement ans l’hexagone de 12.000 km de nouvelles lignes de raccordement des énergies renouvelables.
Les opérations Faurecia et Loxam sont d’ailleurs les deux premières réalisées dans le cadre du nouveau programme de soutien à l’investissement européen InvestEU visant à mobiliser d’ici à 2027 plus de 372 milliards d’euros de financements publics et privés dans toute l’Europe, prenant en quelque sorte le relais du “Plan Junker”.
Autre volet majeur de l’activité de la BEI en 2022 : l’innovation, y compris dans le domaine de l’agriculture, de l’industrie (85 M€ à Emotors pour sa R&D dans les moteurs électriques et leur future production dans sa nouvelle usine de Trémery, en Moselle, qui fournira notamment le groupe automobile Stellantis) ; ou encore de la santé et des sciences du vivant avec le financement de quatre biotechs : Inventiva (maladie du foie gras), Medincell (traitements injectables à action prolongée), Gensight Biologics (maladies de la vue) et Cellectis (thérapies cellulaires et géniques).
Parmi les autres objectifs de la BEI en France, le renforcement de la souveraineté énergétique, avec par exemple le financement de Vektor à Grenoble, qui ouvrira en 2024 à Dunkerque la troisième giga-usine françaises de production de batteries électriques. Mais aussi le soutien à de projets portés par des collectivités territoriales, comme le canal Seine-Nord (financement à hauteur de 800 M€) ; ou Sytral Mobilités, le syndicat mixte des transports de la métropole lyonnaise et du Département du Rhône, 750 M€ pour de nouvelles lignes de tramway et de bus.
Au titre du FEI, qui a investi 1,5 milliard d’euros l’an dernier via des garanties bancaires ou des fonds d’investissements, on peut citer par exemple l’accompagnement du leader européen de la prise de rendez-vous médicaux et de téléconsultations Doctolib (500 M€ de levée de fonds en mars 2022).
Au total et toutes activités confondues, le groupe BEI aura soutenu en 2022 directement ou indirectement près de 47.000 PME en France contribuant, ainsi au maintien de 520.000 emplois. Un dernier chiffre qui se suffit à lui-même.
Philippe Martin

François Desprez, président de Maison Florimond Desprez et Bruno Desprez, président de Florimond Desprez Veuve & Fils. Photo Karine Boudart.
De la bonne graine
Parmi les investissements “verts” tournés vers l’innovation, la BEI a financé à hauteur de 40 M€ le semencier nordiste Florimond Desprez pour la mise au point de nouvelles variétés végétales résistantes au changement climatique.
Entreprise familiale et indépendante, Florimond Desprez est un groupe français dirigé aujourd’hui par Bruno et François, la 5e génération de la famille Desprez. Créée en 1830 à Cappelle-en-Pévèle, et depuis toujours implantée dans la région Hauts-de-France, l’entreprise exerce les métiers d’obtenteurs de variétés et de producteurs de semences.
Par ailleurs, toujours dans le domaine de l’agriculture, le Fonds Européen d’Investissement (FEI) a conçu, en collaboration avec le Gouvernement français et son ministère de l’Agriculture, l’Initiative Nationale pour l’Agriculture Française (INAF).
Cette initiative a pour but de faciliter l’accès au financement bancaire (et à des conditions préférentielles) les (jeunes) agriculteurs qui ont un projet d’investissement.
Après 36 mois de mise en œuvre, les résultats peuvent être résumés comme suit :
. Près de 7.500 agriculteurs financés, à des conditions très préférentielles (800 M€) ;
. Plus de 80 % des projets financés sont en faveur des nouveaux entrants ; plus de 75 % des bénéficiaires finaux ont moins de 40 ans ;
. Environ 80 % d’entre eux visant une meilleure réponse aux attentes des consommateurs et la transformation des modèles agricoles ;
. Couverture de l’ensemble du territoire français, y compris avec les premiers financements en Corse et en Outre-Mer (Martinique).
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