Très chère rentrée des classes…
Les réformes en cours dans l’Education nationale pèsent lourd sur les finances des Régions. Et des incertitudes demeurent. Décryptage.
Ça bouge dans l’Education nationale, ça bouge même beaucoup. Et les Régions, dont le rôle en matière de formation n’a cessé de croître au fil des années, sont évidemment concernées au premier chef. Prenez la réforme du lycée : c’est, sur trois ans, de la seconde à la terminale, l’ensemble des programmes qui va changer du tout au tout. Et donc, l’ensemble des manuels scolaires, qu’ils soient imprimés sur papier ou présentés sous format numérique.
Or les Régions prennent en charge tout ou partie de cet équipement à renouveler complètement en fonction des programmes. On assiste donc en cette rentrée 2019 à une “explosion des charges”, selon le mot de François Bonneau, président délégué de Régions de France : entre 260 M€ et 320 M€ de dépenses supplémentaires. Avec en prime, un véritable “trou noir en termes de responsabilité publique”. Car si, pour l’école primaire, la responsabilité des outils pédagogiques incombe aux communes, si pour les collèges, l’Etat délègue les investissements aux Départements, en ce qui concerne les lycées, “la loi ne dit rien”. Et donc, si les Régions n’interviennent pas, la totalité de la dépense incombe aux familles.Bien entendu, il n’en est rien, et toutes les Régions ont engagé les sommes nécessaires pour financer, en totalité ou en partie, ces nouveaux outils pédagogiques. On a ainsi vu dans les premiers jours de septembre, plusieurs présidents de Région se livrer à l’exercice imposé de la distribution des tablettes numériques dans les établissements dépendant de leur compétence. “Si l’on prend le cas de ma propre Région, précise François Bonneau par ailleurs président du conseil régional de Centre-Val de Loire, nous passons de 750.000 € en 2018, à un coût de 2,5 à 3 M€ pour l’achat des manuels et le renouvellement des licences pour les tablettes numériques.”
Avec le “contrat de Cahors”, c’est la double peine…
En plus c’est la double peine : de tels investissements supplémentaires risquent de pousser les Régions à dépasser les 1,2 % de hausse autorisée, s’agissant de leurs dépenses de fonctionnement. Donc à ne pas respecter le dispositif dit “contrat de Cahors”. Et à être sanctionnée par le gouvernement pour un excès de dépenses… dont le gouvernement est à l’origine.
On retrouve d’ailleurs là une revendication exprimée dès le départ par les présidents de Régions : que les dépenses supplémentaires induites par des réformes gouvernementales soient automatiquement sorties du Pacte budgétaire signé avec l’Etat, de ces fameux “contrats de Cahors”. Le ministre Jean-Michel Blanquer s’est engagé à prendre cette demande en considération, mais verbalement : quand on parle de “trou noir”…
D’autant que ce changement n’est pas le seul à toucher de plein fouet les Régions. Car la rentrée est également marquée par la mise en œuvre de la nouvelle compétence des Régions sur l’orientation. L’enjeu est considérable : selon une enquête du Credoc réalisée en décembre 2018, un jeune sur deux déclare ne pas avoir été bien accompagné dans son orientation par son établissement scolaire. Une réalité insupportable en un moment où la France souffre d’un énorme décalage entre l’offre d’emplois non pourvus et le nombre de chômeurs.Inter
Les Régions perdent l’apprentissage mais récupèrent l’orientation
Cette nouvelle compétence, qui se traduit notamment par un transfert aux Régions d’une partie des personnels de l’Etat dédiés à cette mission (ONISEP) représente pour les Régions un “formidable défi, même si les Régions ont des moyens limités, mais ont aussi l’ambition de fédérer l’existant. Cette nouvelle compétence est centrale et nous nous engageons pour créer l’indispensable connexion entre le monde économique et celui de l’éducation”, selon les termes de François Bonneau.
Les actions prévues par les Régions seront adaptées aux caractéristiques, cultures et besoins locaux. Elles ont été précédées de vastes consultations organisées en Région pour connaître les attentes des usagers et acteurs. Mais elles sont évidemment compliquées par la réforme de l’apprentissage et le retrait historique de la compétence régionale dans ce domaine : “cette réforme n’est pas la nôtre”, rappelle fermement François Bonneau en évoquant les vives inquiétudes qu’elle continue de susciter. En un moment où les résultats de l’apprentissage en France n’ont jamais été aussi bons… grâce à l’action des Régions.
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