SNCF Immobilier : la nouvelle vie autour des gares
Deuxième propriétaire foncier de France, SNCF Immobilier contribue aussi à changer le visage de nos cœurs de villes. Décryptage avec sa directrice générale Katayoune Panahi.
Les collectivités territoriales, elle les connaît de l’intérieur, pour avoir été pendant huit ans, DGS du conseil départemental des Hauts-de-Seine, à la tête d’une administration de 5.000 agents. En intégrant en février 2021 le Comex du groupe SNCF pour en diriger la branche immobilière, Katayoune Panahi n’a pas réellement changé de dimension dans son management : cette branche compte plus de 3.000 salariés. Mais plutôt dans le type de missions qui lui incombent désormais.
Car en tant que deuxième propriétaire foncier de France après l’Etat, le groupe SNCF et SNCF Immobilier jouent un rôle prééminent dans le réaménagement de nos villes, grandes ou petites, et plus largement dans notre aménagement du territoire et dans la lutte contre le changement climatique. Explications.
Régions Magazine : Pouvez-vous en quelques mots, préciser le rôle et les grandes missions de SNCF Immobilier ?
Katayoune Panahi : Elles sont au nombre de trois. Il y a d’abord la gestion des biens immobiliers du groupe SNCF, soit 110.000 hectares de foncier, et 8 millions de m² de bâti. On y trouve de l’immobilier tertiaire, comme des immeubles de bureaux ; ferroviaires, par exemple des postes d’aiguillage ; ou encore industriels, comme nos ateliers de maintenance. En fait, il s’agit de l’ensemble du patrimoine de la SNCF, à l’exception des voies, qui relèvent de SNCF Réseau, et des gares, qui dépendent de Gares et Connexions.
Dans cette première mission, nous devons veiller à la cohérence de notre stratégie immobilière. Cela passe par exemple par l’accompagnement du télétravail, qui a fait baisser de 30 % le taux d’occupation de nos bureaux depuis la crise du Covid, à travers la création de bureaux partagés et des espaces de réunions plus nombreux et plus adaptés à ces nouvelles pratiques de travail. Ce qui relève aussi de la rationalisation de l’ensemble de nos coûts. Toute réduction de nos frais structurels, c’est autant de récupéré pour la SNCF.
Notre deuxième grande mission consiste à valoriser nos actifs qui ne sont plus nécessaires. Nous avons de larges possibilités de réutiliser du foncier disponible, pour y construire des logements, des bureaux, transformer des parcelles en espaces verts.
Là encore, valoriser notre foncier, c’est contribuer au désendettement du groupe, lui permettre d’investir sur son cœur de métier ferroviaire. Mais c’est aussi améliorer le cadre de vie des habitants grâce à la construction de nouveaux quartiers, qui de surcroît sont la plupart du temps proches des gares. Ce qui contribue à faciliter l’accès aux transports décarbonés, les trajets domicile-travail, et procède ainsi de la décarbonation de notre pays.
Nous répondons ainsi aux objectifs de la ZAN (zéro artificialisation nette), inscrits dans la loi Climat et résilience, et lorsque notre filiale Espaces Ferroviaires accompagne les collectivités dans l’aménagement de ces nouveaux espaces de vie en renaturant, en verdissant ces anciens sites industriels. Et ce, même si nous nous heurtons parfois à un modèle économique très daté, qui remonte aux années d’après-guerre où il fallait rebâtir la France, et reposant donc sur une valeur du foncier entièrement basée sur la constructibilité d’un terrain. Or, quand vous créez un espace vert sur du foncier, vous créez de la valeur, ce qui est encore difficile à faire admettre. Cela implique un vrai changement de paradigme. Nous y travaillons.
Enfin, dernière mission mais non des moindres, la gestion de notre parc de 100.000 logements, dont 85 % de logements sociaux, via notre filiale ICF Habitat, qui emploie d’ailleurs près des deux tiers de nos salariés.
RM : Vous avez signé en 2021 avec le gouvernement la “charte d’engagement pour la mobilisation du foncier ferroviaire”, qui prévoit la construction de 15.000 nouveaux logements d’ici à 2025. Où en est-on ?
KP : Ce programme est largement engagé, nous avons identifié les sites, et les premiers chantiers sont en cours. Je vous donne un exemple parlant, celui les Messageries, à la Gare de Lyon, dont les travaux ont démarré en septembre de l’année dernière. Nous avons là six hectares de foncier disponible, en plein cœur du 12ème arrondissement de Paris. La moitié va être revégétalisée, nous allons notamment créer un parc paysager d’un hectare, des voiries plantées, une promenade écologique… L’autre moitié est consacrée à des logements neufs, à des prix abordables pour les salariés qui travaillent dans ce quartier, à des espaces de travail innovants. Il y aura aussi 3.000 m² de commerces et de services, des crèches
RM : Vous travaillez beaucoup avec les collectivités, surtout les villes. Quel type de contacts avez-vous avec les Régions, en tant qu’autorités de transports ? Jouez-vous notamment un rôle dans les processus d’ouverture du ferroviaire à la concurrence ?
KP : Oui, bien entendu, nous intervenons de plusieurs façons : d’une part, nous apportons notre expertise immobilière dans le cadre du transfert des ateliers de maintenance que les Autorités organisatrices peuvent demander de droit. D’autre part, nous répondons aux côtés de nos collègues de TER aux appels d’offres qui comportent la réalisation d’un atelier de maintenance comme c’est le cas par exemple à Nice Saint-Roch.
Mais nous travaillons aussi de façon plus directe avec les Régions. Dernier exemple en date, le Ferrocampus de Saintes, en Charente-Maritime, un projet porté par la Région Nouvelle-Aquitaine et cher à son président Alain Rousset. Projet unique en France, un pôle d’excellence européen dédié au ferroviaire, dans des domaines comme la formation, l’innovation et les transferts de technologie.
RM : Vous avez pour mission de mobiliser le foncier ferroviaire, et via votre filiale Espaces ferroviaires, vous avez à ce titre réalisé 34 projets urbains de grande ampleur ces dernières années. Pouvez-vous donner quelques exemples ?
KP : Difficile de choisir… Parmi les plus emblématiques, je citerais en Bretagne le programme EuroRennes, aménagement de logements sociaux, environ 1.500, autour de la gare, mais aussi quartier d’affaires avec tours de bureaux, commerces, restaurants, offres d’hébergement, dans la foulée de l’arrivée du TGV et de l’aménagement de la gare.
A Lyon, je parlerais des “Grandes locos”, où une partie de notre ancien technicentre de la Mulatière va devenir un immense espace dédié à la culture, qui accueillera, à partir de 2024, Les Nuits Sonores, la Biennale de l’Art contemporain ou le Lyon Street Food.
Mais nous participons aussi à la réindustrialisation du pays. Ainsi, dans le Grand Est, où l’ancienne Rotonde de Mohon, à Charleville-Mézières, va être transformée en une usine spécialisée dans la fabrication de containers pour déchets nucléaires, par l’intermédiaire de la société des Ateliers de Vendeuvre-sur-Barse.
Propos recueillis par Philippe Martin