Rentrée en force pour les régions
Les conseils régionaux veulent garder la haute main sur l’élaboration de la carte des formations professionnelles.
Trois ministres de l’Education nationale en un an : les élus des Régions de France en charge des dossiers liés à la formation ont beau avoir le cuir épais et la souplesse vigoureuse, l’exercice s’avère quand même périlleux. Surtout quand on doit s’adapter en suivant à Jean-Michel Blanquer, Pape Ndiaye et Gabriel Attal, qui n’affichent ni les mêmes principes éducationnels, ni le même style de gouvernance. Et c’est un euphémisme…
Pourtant, il en faut davantage pour désarçonner François Bonneau et Kamel Chibli. Le président de la Commission Education, orientation, formation, et emploi à Régions de France, et son vice-président, ne semblent guère affectés par ce chamboule-tout permanent. D’abord parce qu’eux sont restés bien en place, et qu’ils savent où ils vont. Ensuite parce que sur les grands problèmes éducatifs du moment, les Régions détiennent une bonne partie des réponses, pour peu qu’on veuille bien leur en donner les moyens. Et c’est toujours là que le bât blesse.
Ainsi François Bonneau n’a-t-il pu s’empêcher de relever qu’au cœur du projet de loi sur la réforme du lycée professionnel, le Diable s’est encore une fois niché dans les détails. Le texte prévoit en effet que dans l’élaboration de la carte des formations professionnelles initiales, compétence dévolue aux Régions, l’avis des sous-préfets serait requis. « C’est un point aberrant, tonne le pourtant mesuré président du Centre-Val-de-Loire. Certes, la méthode proposée par le gouvernement réserve la décision finale à la Région. Mais le processus, en quatre étapes, est bien trop rigide, il va compliquer la tâche des services concernés ».
Et de compléter : « Pour que cette carte soit efficace, elle doit rester souple, évolutive, et s’appuyer sur une connaissance fine des besoins du monde économique, en dialogue constant avec tous les acteurs, les chefs d’entreprises, les branches professionnelles, les organismes consulaires ou spécialisés. C’est le rôle des Régions, et nous entendons bien y prendre toute notre place. Quoi qu’il en pense, le président de la République ne peut pas le tenir seul ».
Accessoirement, on rappellera qu’il y a dans notre pays 124 préfets et 479 sous-préfets en poste territorial. D’ici à ce que chacun ait donné son avis…
Inflation transition énergétiques, transports scolaires…
Pour le reste, lors de leur conférence de rentrée, les deux élus ont rappelé l’investissement massif des Régions dans la formation et l’éducation : 4,3 Md€ dont 2,8 consacrés à l’investissement et aux travaux dans les lycées publics, leur deuxième budget après les transports. Et ils ont énuméré les principaux axes de leur action, parfois liées à l’actualité du moment.
. L’inflation : Les élus régionaux sont parfaitement conscients de la baisse du pouvoir d’achat des familles, liées notamment à l’inflation de ces douze derniers mois. « Si nous répercutions l’augmentation des coûts sur le prix des repas dans les cantines scolaires, la hausse serait immédiatement de 15 à 20 % », martèle François Bonneau. « Il ne peut évidemment en être question ». Même chose pour les transports scolaires, dont la totalité de la charge revient désormais aux Régions, « de la maternelle à la Terminale ».
Face à ce phénomène, les Régions font preuve de volontarisme, avec la gratuité des manuels ou des ordinateurs, la mise en place de « tarifications sociales » sous conditions de ressources (Bretagne), ou des aides par élève pouvant monter jusqu’à 800 euros (Occitanie, Sud).
. La transition écologique : « C’est une préoccupation majeure dans tous nos investissements liés au bâti », lance Kamel Chibli. Cela passe bien sûr par la construction de lycées à énergie positive, (NDLR : qui produisent davantage d’énergie qu’ils n’en consomment), comme ceux qui sont inaugurés en cette rentrée : Joséphine-Baker à Hanches (Centre-Val de Loire), Le Barp (Nouvelle-Aquitaine), Mona-Ozouf à Ploërmel (Bretagne).
Mais aussi par la production de chaud et de froid « sans mettre des climatiseurs dans chaque classe », par la pose systématique de panneaux photovoltaïques, par la lutte contre les gaspillages, de l’eau, de l’alimentation, par le tri des déchets. « Les jeunes sont de plus en plus sensibles à ce discours », affirment avec satisfaction les deux élus.
. La pénurie de chauffeurs de transports scolaires : C’était la grande inquiétude de l’an dernier, ça l’est encore si l’on en croit la Fédération nationale des Transports de voyageurs qui, en juillet, affirmait qu’il manquait encore 6.000 conducteurs. Pourtant, François Bonneau rappelle le « pari gagné par les Régions l’an dernier, aux côtés des sociétés de transports, les recrutements que nous avons lancés, les efforts réalisés sur les conditions de travail, les formations mises en place : tout cela a permis d’éviter la catastrophe largement annoncée ».
Même défi relevé cette année, avec de nouveau l’espoir d’y parvenir sans que des élèves restent le long des routes, faute de bus scolaire.
En conclusion, les élus régionaux ne semblent pas mécontents de l’arrivée du nouveau ministre Gabriel Attal. Le retour à une année scolaire complète, ne s’arrêtant pas au mois de mars pour les élèves passant les épreuves de spécialités, est apprécié. Comme l’interdiction des signes religieux (de type abayas) dans les lycées, « qui ne laisse plus les proviseurs livrés à eux-mêmes ».
Reste la question de l’orientation, compétence majeure désormais dévolue aux Régions et sur laquelle elles ont l’intention de travailler en profondeur, mais qui pose de multiples questions dans la relation État-Régions. Premiers éléments de réponse lors de la rencontre entre le nouveau ministre, la présidente de Régions de France Carole Delga et François Bonneau, prévue le 19 septembre.
Philippe Martin
En chiffres
Quelques chiffres qui rappellent l’implication forte des Régions dans le domaine scolaire. Source Régions de France.
Retrouvez ici les principales innovations de la rentrée dans chaque région.
Pour lire la suite abonnez-vous à Régions Magazine