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Philippe Martin
03/08/2023
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Le directeur de la rédaction de Régions Magazine a échangé avec les détenus-journalistes. Photo Valérie Lepers.

Régions Magazine derrière les barreaux

Un groupe de détenus de la prison de Maubeuge (Nord) réalise depuis plusieurs années un journal interne. Nous les avons rencontrés.

On a beau s’y être préparé, avoir revu plusieurs films tournés en milieu carcéral : pénétrer à l’intérieur d’une prison n’est pas une expérience anodine. Le décor, déjà, un ensemble de bâtiments gris posés au milieu des champs, avec ses deux miradors, ses clôtures hautes et grillagées. Les contrôles ensuite, rigoureux et répétés, ces portes qu’il faut passer successivement après avoir montré patte blanche, ces serrures qui claquent, ces longs couloirs glacés, et ces portes encore à franchir, avant de se retrouver enfin au cœur même de l’établissement.

Pourtant, avec ses 400 détenus, le Centre pénitentiaire de Maubeuge reste une prison à taille humaine, plutôt bien équipée avec ses ateliers, sa bibliothèque largement dotée, et son terrain de football synthétique flambant neuf. Pas de surpopulation carcérale ici, les 400 pensionnaires se répartissant équitablement entre la Maison d’arrêt (peines courtes ou effectuées en préventive) et les quartiers de détention (peines de longue durée). Les volontaires peuvent suivre des cours, dispensés à peu près à tous les niveaux de la scolarité, y compris à l’alphabétisation, et, même, s’ils le souhaitent, se transformer en apprentis-journalistes.

Depuis plusieurs années en effet, à l’initiative d’un professeur des écoles, des groupes de détenus se relaient au fil des entrées et des sorties pour concevoir et fabriquer un petit magazine joliment titré “L’Echo des coursives”. Interviews, jeux, chroniques historiques, fiches de lecture, actualité de la prison, recettes de cuisine, se succèdent au fil des pages.

Enseignant pendant plus de vingt ans en milieu pénitentiaire, Jacques Martin, à l’origine de ce projet, aujourd’hui en retraite, continue à animer cette rédaction pas comme les autres, proposant des sujets, relisant les textes des détenus, organisant des rencontres avec des visiteurs venus de l’extérieur, tels les écrivains Franck Thilliez et Abdelkader Djemai, ou la journaliste Plana Radenovic.

C’est ainsi que le petit groupe a découvert Régions Magazine, et a accueilli son directeur de la rédaction pour une séance de questions-réponses particulièrement dense. Après quelques minutes de présentation, les questions fusent concernant notre revue, sa fabrication, son contenu, son rôle. Beaucoup d’entre elles tournent autour de la corruption, relayant l’image du journaliste soumis à toutes les tentations, à tous les chantages : « vous a-t-on déjà proposé de l’argent, des cadeaux pour écrire un article ? Subissez-vous beaucoup de pressions de la part des hommes politiques ? Etes-vous souvent censuré ? » (NDLR : réponse : non !).

Le modèle économique de la revue est également évoqué : « touchez-vous de grosses subventions de l’Etat ? » (NDLR : réponse, encore non !) Son organisation, également : le statut du pigiste, ou le niveau d’études pour devenir journaliste font l’objet de plusieurs interrogations. Ainsi que les qualités de base pour exercer ce métier. Bonne nouvelle : la « rigueur » est citée en premier.

Puis c’est au tour de ces rédacteurs d’un genre particulier de s’exprimer. Qu’est-ce que cela leur apporte d’écrire dans un journal ? « C’est comme une bouffée d’oxygène », s’exclame Bernard (Les prénoms ont été modifiés), spontanément…

Philippe Martin

Retrouvez la suite de ce reportage dans notre n°167, actuellement en kiosques

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