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2 mai 2018
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Homepage : © Manu Grim - En région Occitanie, les apprentis du pôle alimentaire de l’École Supérieure des Métiers de Muret, en Haute-Garonne, bénéficient de laboratoires flambant neufs, inaugurés le 15 mars - Ci-dessus : Présentation de la réforme de l’apprentissage par Edouard Philippe et Muriel Pénicaud le 9 février dernier.

Réforme de l’apprentissage : 700 CFA pourraient fermer !

Après le vote de la loi, les présidents de Région poussent un cri d’alarme.

Les cris d’alarme poussés par de nombreux présidents de Région n’y auront finalement rien changé :leConseil des Ministres du 27 avril a adopté le “projet de loi pour un nouvel avenir professionnel”,portant notamment réforme de notre système d’apprentissage. Ce malgré l’avis défavorable unanime des différentes instances saisies (CNEFOP, CNEN, CNESER, Conseil national de l’éducation etc.), et de l’opposition des acteurs de terrain de l’apprentissage à ce projet.

Par l’intermédiaire de Régions de France, les présidents de région ont fait savoir qu’elles le regrettaient, car selon elles “une réforme ambitieuse, construite dans le dialogue et le pragmatisme, est possible”.

Alors même qu’aucune étude d’impact sérieuse n’a été menée par le Gouvernement en amont, les Régions ont décidé de faire ce travail et de rendre publiques la carte et la liste des CFA menacés sur les territoires (voir ci-dessous). Elles publient également sur le site internet de Régions de France, la liste détaillée, Région par Région, des CFA menacés de fermeture.

Selon Régions de France, “en décidant d’un financement de l’apprentissage selon un coût au contrat uniforme fixé administrativement par les branches à Paris, le Gouvernement se prive d’un pilotage fin et réactif de l’apprentissage sur les territoires. Il portera la responsabilité de la disparition ou la restructuration de très nombreux CFA dans nos territoires les plus fragiles ou positionnés sur les métiers rares ou émergents (environ 700 selon nos estimations). Il organise l’apprentissage en silos alors même que l’avenir est à la mise en réseau et aux compétences transverses.

Plus grave, la parole publique du Premier ministre du 9 février n’est pas respectée, sur l’aide unique aux employeurs d’apprentis ou encore sur le pilotage de l’offre de formations.

Ce texte n’apporte aucune solution car il n’agit pas sur les vrais leviers de développement de l’apprentissage : absence d’ambition sur l’orientation pourtant clé de voûte de la réussite de cette réforme, pas de véritables mutualisations entre les CFA et les lycées professionnels ni de choc de simplification. Il ne prévoit rien sur la clarification des compétences en matière d’achats de formations des demandeurs d’emplois ou encore pour mettre fin à l’émiettement des acteurs de l’accompagnement vers l’emploi qu’attendent nos concitoyens et nos PME.”

Une nouvelle étape s’ouvre avec le débat parlementaire. Les Régions appellent donc le Parlement à prendre toute sa part pour amender fortement ce projet de loi et porter enfin une réforme pragmatique et efficace de l’apprentissage attendue sur le terrain.

Pas de changement sur l’investissement pour la ministre

Pour sa part la ministre du Travail Muriel Pénicaud a profité des rencontres sénatoriales de l’apprentissage pour préciser sa propre lecture de la réforme. Selon elle“les Régions conserveront leur capacité d’investissement pour créer ou rénover des CFA. Il n’y aura pas de changement sur l’investissement”. Une dotation dynamique est prévue dans le cadre du projet de loi, correspondant à une partie de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Initialement, le gouvernement avait parlé de 180 M€ pour l’investissement des CFA.
“Leur capacité de financement en 2018 et 2019 est supérieure à celle de 2017, et elle va continuer à augmenter”,a souligné la ministre, signalant les initiatives de certaines régions qui ont commencé à construire des campus communs entre CFA et lycées professionnels, pour favoriser les mutualisations. “Nous tenons beaucoup à ce que les régions aient les pouvoirs entiers d’arbitrer et de combiner les investissements qu’elles feront”,a-t-elle conclu, avant d’engager une vive polémique avec le président de la région PACA Renaud Muselier. “Quand un président de région organise une conférence de presse pour dire qu’à cause de la baisse de la dotation de l’Etat, qui en fait augmente, il va supprimer les subventions aux CFA dès la rentrée, il s’agit d’un chantage sur les CFA et les jeunes qui me paraît inacceptable”,a-t-elle ainsi affirmé. La ministre a renouvelé ses attaques lors d’ue interview sur Europe 1 le 23 avril.

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La carte des CFA menacés par la réforme. © Régions de France

Vive polémique Pénicaud-Muselier

Renaud Muselier a rétorqué à la ministre : “Il est mensongerde dire que ma majorité régionale n’utilise pas tout l’argent de l’apprentissage alors même que nous avons voté un budget apprentissage de 143 M€ en 2018. Ce budget est en augmentation de 25 % par rapport au dernier budget voté par nos prédécesseurs en 2015. 

Par-delà la perception de 110 M€ de taxe d’apprentissage et 10 M€ de TICPE apprentissage, nous mobilisons 23 millions d’euros supplémentaires au bénéfice de cette compétence qui est une de nos priorités.

Il est mensonger, a poursuivi le président de la région PACA, de dire que nous sommes une des Régions de France qui investit le moins dans l’apprentissage alors que nous consacrons 5,7 % du budget régional, soit une part similaire aux autres régions métropolitaines.

Enfin, il est encore mensongerde dire que les formations aux métiers de l’artisanat se développeront plus fortement une fois la réforme votée, alors que 33 des 59 CFA de Provence-Alpes-Côte d’Azur qui accueillent 20.944 apprentis, soit 65 % du nombre d’apprentis en région, seront menacés de fermeture une fois la réforme votée, particulièrement dans les territoires ruraux.

Depuis trois ans, nous avons considérablement renforcé l’action de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur en faveur de la promotion de l’apprentissage. Et les résultats sont là ! 

En 2015, notre région comptait 27.000 apprentis. Deux ans et demi plus tard, ils sont désormais 32.000. En 2017, nous avons ouvert 1.734 places supplémentaires d’apprentis, ce qui fait de notre région le territoire le plus dynamique de France après l’Ile-de-France et la région Occitanie.

Depuis le début de la réforme, j’ai toujours appelé la ministre Pénicaud au dialogue avec les Régions. Aujourd’hui, elle a choisi le mensonge et l’outrance pour tenter de défendre une réforme qui est combattue par tous les Présidents de Régions et qui a reçu un avis négatif de l’ensemble des instances consultatives.

Ce n’est pas ma conception de la vie politique et je regrette l’attitude de la Ministre que j’appelle à se ressaisir. Cette tentative de division des Régions de France sera vaine. Nous restons unis et mobilisés contre cette réforme“,a conclu Renaud Muselier. 

Fin mars, le président de la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, avait annoncé qu’il comptait suspendre les investissements de la région en faveur des CFA, soit 120 M€ jusqu’au vote du projet de loi, parmi lesquels le Campus A à Marseille (une université régionale des métiers dont la construction a démarré en 2017), la rénovation complète des CFA du BTP de Toulon et d’Avignon et la construction du CFA des métiers de la propreté à Marseille.

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