Rapport Spinetta : les Régions “très préoccupées”
Alors que le gouvernement a commencé ses consultations en vue de la réforme du système ferroviaire, les régions s’inquiètent au regard des mesures proposées.
C’était à prévoir : la remise au gouvernement, le 15 février, du rapport rédigé par l’ancien patron d’Air France Jean-Cyril Spinetta, inquiète fortement du côté des collectivités. Parmi la quarantaine de mesures préconisées, plusieurs visent directement les Régions (ainsi d’ailleurs que les villes et les métropoles).
Le “diagnostic complet et lucide”, selon les mots du Premier ministre Edouard Philippe, suggère notamment de transformer SNCF Réseau en une société nationale à capitaux publics, ce qui lui interdirait à l’avenir de “s’endetter sans limite et de reconstituer une dette non soutenable”. Il entend également profiter de l’ouverture à la concurrence pour “renouveler le contrat social de la SNCF”, notamment à l’occasion du transfert des personnels dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. En clair, s’attaquer au sacro-saint “statut du cheminot”…
Si le rapport constate le vieillissement du réseau ferroviaire, il s’attaque également au maintien des petites lignes, qui coûtent chaque année 1,7 Md€, concentrant “moins de 2% des voyageurs, là où la route permettrait d’offrir des services comparables pour un coût beaucoup moins élevé, et ce alors même que des investissements utiles ne sont pas réalisés faute de moyens”. Des petites lignes sur lesquelles les régions ont lourdement investi et que le rapport préconise de fermer pour partie, chiffrant l’économie potentielle réalisée, grâce à la fermeture de ces lignes, a minima à 1,2 Md€ chaque année.
Bien entendu, les Régions n’ont pas tardé à réagir, par l’intermédiaire de Régions de France. Si elles partagent globalement les recommandations sur l’ouverture à la concurrence, elles se disent “très préoccupées par celles sur le réseau ferroviaire de proximité, le niveau des péages ou le devenir des Contrats de plan Etat-Régions, qui traduisent une méconnaissance de la réalité du transport ferroviaire dans les territoires.”
Du fait de la réglementation européenne, la mise en concurrence des services de transports ferroviaires de voyageurs conventionnés deviendra obligatoire en décembre 2023. Les Régions souhaitaient en janvier 2018 que le cadre légal puisse leur permettre une mise en concurrence de tout ou partie de leur service avant cette date. Elles “se réjouissent donc de la recommandation (n°19) du rapport Spinetta sur cette question, qui est conforme à leur demande”.
Les Régions s’inquiètent en revanche de la proposition de M. Spinetta sur le devenir des dessertes TGV même s’il ne préconise pas une suppression massive. Au regard des financements qu’elles ont apporté à la réalisation des lignes TGV au même titre que les Départements et les Communes, elles “s’opposent à toute modification unilatérale des grilles de desserte, qui pourraient mettre en difficulté des territoires entiers.”
Une vision “parisianocentrée”
Le rapport s’interroge sur la pertinence du maintien du réseau ferroviaire de proximité. Les Régions souhaitent dans un premier temps “rappeler l’importance de ces “petites lignes” pour la desserte des territoires. Le transport ferroviaire ne peut se réduire, dans une vision “parisianocentrée”, à du transport de masse à l’image des RER franciliens. Le transport ferroviaire a également un rôle d’irrigation des territoires, en complémentarité avec les autres modes de transport”.
Les Régions considèrent “qu’il ne saurait être question pour l’Etat de se défausser de ses responsabilités sur le devenir de ces lignes qui ne sont plus entretenues depuis des années. Elles s’opposent à leur fermeture par l’Etat et leur transfert unilatéral aux Régions. Elles soulignent que toute décision de transfert éventuel devra se faire de manière concertée avec elles dans le cadre des CPER, et être accompagnée du transfert d’une ressource financière suffisante.”
Enfin, si la lettre de mission du Premier ministre imposait à Jean-Cyril Spinetta de ne pas recourir à des subventions publiques accrues pour l’État, il n’en va visiblement pas de même pour les finances régionales. Les Régions s’opposent fermement à la recommandation n°3 du rapport, qui invite l’État à ne pas respecter les Contrats de plan Etat-Régions (CPER). “L’Etat s’est engagé contractuellement avec les Régions. L’Etat doit donc respecter sa parole”, conclut-on à Régions de France.
Pour lire la suite abonnez-vous à Régions Magazine