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Par Philippe Martin
29 septembre 2017
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© Jean François Badias - Rentrée au nouveau lycée international hôtelier de Lille. Au fil des décennies, sous l'impulsion des Régions, les lycées sont devenus de véritables cathédrales du savoir... à tous les sens du terme.

Ces lycées si chers aux Régions

La construction et l’entretien des établissements scolaires pèsent lourd dans les budgets régionaux. Et pourtant les Régions souhaitent agrandir encore le champ de leur compétence dans le domaine éducatif.

“Quand les Régions ont récupéré les lycées, il faut admettre que certains d’entre eux étaient dans un triste état.” François Bonneau, président délégué de Régions de France, connaît bien le monde de l’éducation, lui qui fut au début de sa carrière conseiller d’orientation, puis de longues années durant, proviseur. Bien sûr, l’actuel président de la région Centre-Val de Loire n’était pas encore élu au moment où la première loi de décentralisation, en 1982, fit passer les lycées sous l’égide des conseils régionaux. Mais il garde un souvenir très précis des établissements scolaires de l’époque.

“Nous avions quelques lycées de type Pailleron, qu’il a fallu reconstruire. Nous avions surtout beaucoup de bâtiments à désamianter, ce qui coûte extrêmement cher. Mais ce n’est que la partie visible. La réalité, c’est que les Régions ont récupéré cette compétence au moment où la démographie française a entraîné l’explosion de la population lycéenne. Et c’est loin d’être fini”. La preuve ? Les conseils régionaux envisagent la construction de cinquante nouveaux établissements lors de la mandature en cours. Et quand on sait que la construction d’un lycée neuf coûte au bas mot 40 M€, on mesure ce que ces investissements pèsent dans les finances régionales.

Mais il faudrait évidemment se garder de limiter la stratégie des Régions dans ce domaine, à un simple rôle d’architecte et de maître d’ouvrage. Même si le travail effectué sur les trois dernières décennies est tout simplement prodigieux : la lecture du dossier qui suit, où nous présentons un établissement emblématique pour chaque territoire, suffit à démontrer à quel point les avancées patrimoniales sont spectaculaires. Mais bien plus, au fil des années et des réformes, les conseils régionaux ont récupéré, en vrac, la restauration scolaire, la gestion des personnels non enseignants, la politique de l’orientation et même, depuis le 1er septembre, l’ensemble des transports scolaires !

Les avancées les plus importantes sont toutefois les plus invisibles. “Au fil des années, non seulement nos compétences se sont élargies, mais elles se sont approfondies, complète François Bonneau. On est passé du désamiantage des bâtiments à la construction d’établissements modèles en termes de performance énergétique : lycées à énergie positive, isolation thermique de haut niveau, récupération de chaleur”. Dans le même ordre d’idées, les internats ont été totalement repensés : “terminés les dortoirs à quarante. Nous sommes désormais sur des internats avec chambres par quatre, salles de bains individuelles, espaces de vie pour les lycéens.” Au-delà, c’est la pédagogie qui s’est métamorphosée, avec l’arrivée du numérique, des tableaux blancs interactifs, des laboratoires de langues ultra-modernes…

Tout cela entraîne évidemment des dépenses assez astronomiques. Au total, les lycées coûtent chaque année 5,5 Md€ à l’ensemble des Régions françaises, dont 3,3 Md€ en fonctionnement, et 2,2 Md€ en investissement. Au total, les conseils régionaux ont en charge 2.264.000 lycéens, dont 665.000 dans le secteur professionnel. Et pourtant, ils en veulent encore plus ! “Le lycée est le seul maillon du système éducatif à ne pas avoir été repensé par les différents gouvernements français, explique Philippe Richert, président de Régions de France. Nous devons aller plus loin sur le plan pédagogique, à la fois en ce qui concerne la formation mais aussi la préparation à l’insertion professionnelle. Les Régions, qui ont à la fois en charge les lycées, l’apprentissage et le développement économique, sont les mieux placées pour jouer ce rôle”.

Dans cet esprit, les Régions revendiquent la mise en place de contrats tripartites État-Région- établissement scolaire. Et, en cette rentrée 2017, affichent quelques propositions fortes et concrètes.

D’abord, en matière d’orientation, en réclamant le transfert des CIO (Centres d’information et d’orientation) aux Régions. Demande assez logique puisqu’elles disposent déjà de la compétence sur le Service public régional de l’orientation (SPRO). “Il ne s’agit pas d’intervenir dans les décisions individuelles au sein des conseils de classe, explique-t-on à Régions de France, mais de mieux organiser les flux vers les différentes filières. Le besoin d’information des jeunes et des familles sur les formations et les métiers, les perspectives d’emploi par filière et par territoire, n’a jamais été aussi important, alors que les CIO ont vu leur nombre se réduire et leur réseau se contracter fortement”.

Les Régions souhaitent également, et ce n’est pas nouveau, se voir confier la totalité de l’offre de formation, dans les voies générale et technologique, y compris le post-baccalauréat. Un domaine auquel elles consacrent déjà 5 Md€ par an (formation professionnelle et apprentissage). Ce qui fait d’elles le premier financeur public, mais sans en avoir les rênes, qu’elles partagent avec l’État. Là encore, les idées ne manquent pas : développement de l’apprentissage dans les lycées professionnels, renforcement de l’alternance, possibilité de solutions mixtes mêlant lycées professionnels et apprentissage, etc. Parmi les nombreuses solutions concrètes avancées, la possibilité pour les enseignants d’exercer à la fois en voie scolaire et en apprentissage afin de renforcer les passerelles…

Enfin les Régions veulent évoluer très vite vers le lycée 4.0, imaginer les “lycées du futur”, et pour cela, arrêter avec l’État une feuille de route partagée en matière numérique. Dans le Grand Est, qu’il préside, Philippe Richert a lancé une expérience sur 50 établissements, représentant 31.000 élèves, avec à la clef l’achat par la Région de tablettes numériques pour chaque lycéen, une prise en charge importante pour le budget régional. “Pour un matériel coûtant au départ 700 euros, nous demandons aux familles une participation de 65 euros par an, sur trois ans. Nous avons déjà reçu 15.000 demandes…”

Autant de propositions, autant d’expérimentations que les élus régionaux souhaitent voir inscrites très vite dans la plate-forme État-Régions. Là aussi, la rentrée s’annonce chargée.

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