« Les régions sont des acteurs européens naturels »
Le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Clément Beaune valorise pour Régions Magazine, l’action des Régions au sein de l’UE, ainsi que le rôle du Comité européen des régions.
Conseiller spécial d’Emmanuel Macron sur les questions européennes de 2017 à 2020, Clément Beaune est devenu secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes dans le gouvernement de Jean Castex en juillet 2020. Une mission qui a évidemment pris une ampleur supplémentaire avec la présidence française du Conseil de l’UE. Pour Régions Magazine, il précise les contours de cette mission et ce qu’il attend su Sommet de Marseille.
Régions Magazine : Que représente, aux yeux de notre exécutif, l’organisation de ce Sommet européen à Marseille ? Comment s’inscrit-il dans la présidence française ?
Clément Beaune : C’est, bien évidemment, un moment important, qui va drainer un grand nombre de participants, ministres, parlementaires, élus régionaux et locaux de toute l’Europe, et qui s’inscrit dans une séquence très forte avec, par exemple la réunion de tous les ministres européens de la Cohésion, les 28 février et 1er mars à Rouen.
C’est pourquoi nous avons soutenu dès le départ la candidature de Marseille, portée par le président de la Région Sud Renaud Muselier, pour en faire un autre marqueur fort de la PFUE (présidence française de l’Union européenne).
C’est aussi une façon très claire de mettre en valeur le rôle des Régions, nous avons d’ailleurs prévu de tenir vingt réunions ministérielles dans l’ensemble des régions françaises.
Régions Magazine : Que pensez-vous du rôle joué par le Comité européen des Régions au sein de la construction européenne ? Estimez-vous qu’il faille le développer, et si oui, de quelle manière ?
CB : Vous le savez, je l’ai déjà exprimé dans ces mêmes colonnes, je vois d’un très bon œil l’action du Comité européen des régions. Il est indéniable que le fait régional est un fait européen. Les régions gèrent désormais la plus grosse partie des fonds européens, elles portent une part très importante de l’investissement public, elles jouent aujourd’hui un rôle moteur dans la transition écologiques : ce sont donc des acteurs européens naturels, si j’ose dire.
De plus, au cours des dernières années, elles ont développé, et même accéléré, ce « réflexe européen ». Quand je suis arrivé à mon poste au gouvernement, j’ai, le jour même, envoyé un message personnel à tous les présidents de Région pour leur faire part de mon souhait de travailler avec eux. Je le fais avec Renaud Muselier, qui au sein de Régions de France continue de présider la commission Europe, et bien entendu avec la présidente de l’association Carole Delga avec qui, vous le savez, j’ai collaboré voici quelques années.
Tout ceci est encore plus vrai en sortie de crise, où les régions sont apparues comme des acteurs de l’Europe au quotidien, comme des « vendeurs d’une Europe utile » en quelque sorte. Dans ce contexte, le souhait du Comité européen des régions de voir son rôle se renforcer me parait logique, même si nous n’allons sans doute pas changer les traités pour le faire.
Mais je crois que le CdR, dans sa façon de communiquer, de parler de plus en plus souvent “hors ses murs”, de faire connaître davantage son rôle, de porter plus fort et plus haut la voix des élus qu’il représente, peut donner aux citoyens européens une vision utile et concrète du rôle de l’Europe.
« La présidence de l’UE et le calendrier électoral ? Un aiguillon ! »
Régions Magazine : La présidence française du conseil de l’UE n’est-elle pas affectée par la campagne de l’élection présidentielle ? Comment gérez-vous cette contrainte supplémentaire ?
CB : Disons que cela nécessite davantage d’agilité en termes d’organisation, d’autant plus qu’au-delà du 18 mars nous entrons dans une période de réserve liée au scrutin présidentiel, avec, par exemple, l’impossibilité de réunir les ministres. Cet agenda nous a contraints à concentrer un certain nombre d’événements sur une période assez courte avant l’élection, mais voyons les choses de façon positive : cela nous a aussi servi d’aiguillon ! Alors, disons que c’est une lourdeur logistique, mais sans impact politique.
Après, j’entends bien les critiques qui s’élèvent, mais que fallait-il faire ? Anticiper sur cette présidence ? Les critiques auraient été les mêmes, voire pires. Demander un report après l’élection ? Cela aurait contraint le président nouvellement élu, ou réélu, à assumer d’emblée cette présidence européenne, ce qui aurait sans doute nui à l’efficacité de son action. D’autant que nous avons fixé très haut la barre de nos ambitions, qu’il s’agisse de taxer les davantage les GAFA, de renforcer l’action climatique de l’UE ou les droits sociaux de ses citoyens : ce calendrier contraint nous pousse au contraire à faire avancer les dossiers plus vite.
Propos recueillis par Philippe Martin