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Philippe Martin
31/03/2020
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Alors ministre de la Santé, Agnès Buzyn avait répondu aux questions de Régions Magazine. Photo Hugues-Marie Duclos Régions Magazine.

Le devoir d’humilité

(De retour au travail, après les ennuis de santé qui m’en ont éloigné, je reprends mon blog).

La lourde chappe de peur qui s’est abattue sur notre pays, comme sur le reste du monde, tient bien sûr aux dégâts que le COVID-19 provoque, aux morts dont il est la cause directe. Mais elle se double d’un grand halo d’incertitude : pour être parfaitement identifié, le virus n’en reste pas moins largement mystérieux dans ses développements. Et rien n’est plus inquiétant pour les populations menacées que cette ignorance. D’où cette puissante demande d’information que l’on a ressentie, et à laquelle les médias ont cherché à répondre depuis des semaines maintenant.

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 Il m’arrive de penser qu’ils en font trop, ou trop mal.

Trop : Le virus a envahi les écrans, monopolisé les micros, accaparé les journaux écrits. Au point de gommer tout le reste. Et ce reste s’appelle pourtant, par exemple, les guerres, les vraies, qui continuent à faire des milliers de victimes, la misère qui poursuit ses ravages dans des zones entières, les lamentables cortèges d’émigrés qui sont abandonnés à leur sort, les problèmes sociaux chez nous. Tout cela est devenu hors sujet. Le virus doit évidemment cette sorte d’exclusivité à sa proximité : il est là, devant notre porte, celle de notre voisin. Alors l’information est devenue monomaniaque, même dans les journaux réputés les plus sérieux. Au point qu’une certaine saturation se fait jour dans le public, où cette logorrhée médiatique ajoute au trouble et à l’anxiété.

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Pierre Weill

Trop mal : Les journalistes, ayant au moins la sagesse de reconnaître leur méconnaissance de la virologie, font appel à des professeurs de médecine, infectiologues, urgentistes, épidémiologistes anthropologues, que sais-je, et même à des mathématiciens ou des philosophes. Il se crée une sorte de compétition entre médias, pour savoir qui présente les meilleurs experts. Sans parler de ceux que Roselyne Bachelot a qualifiés de « coronalogues à deux sous », s’arrogeant sur les réseaux sociaux des compétences qu’ils n’ont évidemment pas.

Mais comme le réservoir des bons spécialistes n’est pas inépuisable, ces derniers, qui se sentiraient déshonorés si l’on ne faisait pas appel à eux, prennent sur leur temps précieux pour faire la tournée des antennes, et redire les mêmes choses, ou à peu près … quand ils ont quelque chose à dire.

A moins qu’ils ne se contredisent d’une intervention à l’autre : la connaissance du virus, de sa propagation, des moyens médicaux à mettre en œuvre pour le combattre, progresse heureusement chaque jour, révoquant en doute les certitudes de la veille. Et rien de plus dangereux que des vérités successives… La plus élémentaire prudence devrait imposer plus de circonspection, même aux scientifiques, passé le plaisir narcissique d’être sur les plateaux de télévision.

Aux scientifiques…et naturellement aux politiques. Je ne reviendrai pas ici sur les « couacs » qui ont marqué l’information gouvernementale, avant qu’Emmanuel Macron et Edouard Philippe n’y mettent bon ordre. Elle en avait grand besoin, comme l’avaient montré les propos aussi intempestifs que péremptoires de la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, sur les professeurs « qui ne travaillent pas ». Je ne reviendrai pas non plus sur l’épisode lamentable des déclarations d’Agnès Buzyn, la ministre « qui savait », mais qui ne l’a fait savoir…qu’après avoir abandonné son poste.

En revanche, je veux saluer le changement d’attitude de certains responsables de l’opposition, qui à l’instar de Xavier Bertrand, ancien ministre de la Santé sous Chirac, reconnaissent « n’avoir aujourd’hui qu’un seul droit : zéro polémique »  

Le coronavirus a au moins le mérite de nous rappeler tous à l’humilité.

Pierre Weill

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