“La culture partout et pour tous”
Agnès Evren, vice-présidente de la région Île-de-France en charge de la Culture, n’hésite pas à citer André Malraux pour qualifier la stratégie culturelle du conseil régional. Décryptage.
Dans la nouvelle répartition des compétences au sein de l’exécutif francilien, Agnès Evren a été promue quatrième vice-présidente en charge de la Culture, du patrimoine et de la création. La vice-présidente (LR) du conseil régional explique : “la culture n’est pas une variable d’ajustement, c’est un enjeu fondamental pour notre région, un moyen très important de corriger les inégalités territoriales, et cela fait partie des choix les plus stratégiques de la présidente du conseil régional Valérie Pécresse.”
Que constate-t-on en effet ? Que plus de 50 % des subventions dans le domaine culturel sont “fléchées” sur Paris et la Seine-Saint-Denis, qui ne représentent que 25 % de la population et bénéficient, en ce qui concerne la capitale, d’une hyper-concentration d’activités et d’équipements culturels. Dès son élection, la nouvelle présidente de l’exécutif a fait savoir qu’aucun territoire ne devait être oublié. Et surtout pas la Grande Couronne et les communes rurales d’Île-de-France qui sont, au contraire, sous-équipées.
Le fondement de la stratégie francilienne est là, mais il repose sur un autre choix politique fort : “nous avons perdu 140 M€ de dotation de fonctionnement en 2016. Devant une telle situation, c’est souvent le budget de la culture que l’on a tendance à rogner… Nous avons fait un choix totalement différent, en l’augmentant de 12 % sur les deux premières années, avec un engagement d’arriver à une hausse globale de 20 % sur l’ensemble de la mandature !” Selon Agnès Evren, “la Région avait pris l’habitude de subventionner depuis des années les mêmes structures, de façon quasi-automatique. Nous avons choisi de rééquilibrer les territoires, par un maillage territorial à la fois inclusif (tous les Franciliens en bénéficient), itinérant (nous allons partout) et créatif (nous soutenons les talents émergents dans tous les domaines artistiques). C’est pour nous le meilleur rempart contre la montée des extrêmes”.
Et de conclure à ce sujet : “paradoxalement, c’est la droite qui a opéré ce rééquilibrage de la politique culturelle. Nous sommes fidèles à l’héritage d’André Malraux : la culture partout et pour tous”.
Un fonds pour les talents émergents
Concrètement, cette stratégie se traduit par douze dispositifs de nature différente (lire en encadré), l’un des plus spectaculaires étant la création du FoRTE : le “Fonds régional des talents émergents”, doté de 1 M€, permet désormais d’accorder une bourse de 2.500 €/mois pendant dix mois, à quarante jeunes créateurs dans le domaine de la musique, de la danse, du spectacle vivant, des arts plastiques, du cinéma ou de l’audiovisuel. “L’Ile-des-Chances” soutient les musiciens émergents par du financement participatif. Ou encore, les “24 heures de la création”, une manifestation qui, dès 2018, mettra à l’honneur les travaux des jeunes auteurs soutenus par la Région.
Mais cette politique vise aussi l’ensemble des jeunes Franciliens, par l’intermédiaire des lycées (465 au total !). Le conseil régional aide désormais chaque lycée et CFA à porter un projet culturel tout au long de l’année. Une malle itinérante contenant les œuvres du FRAC (Fonds régional d’Art contemporain) circulera dans 50 lycées franciliens, et bénéficiera à 35.000 lycéens, afin de les initier à l’art contemporain.
Spectaculairement renforcée aussi, l’aide aux tournages de cinéma et de séries TV. Première région dans ce domaine, l’Île-de-France a augmenté son aide dédié au secteur du cinéma et de l’audiovisuel de 20%, le faisant passer à 20 M€. Il faut dire que l’enjeu en vaut la chandelle : la filière assure un travail à près de 135.000 personnes, et l’effet-levier est spectaculaire : 1 € d’aide régionale génère plus de 16 € de revenus pour l’Île-de-France. “Le crédit d’impôt international nous aide aussi à attirer des films à très fort budget, précise Agnès Evren. Je suis allée il y a quelques jours sur le tournage de “Vidocq, empereur de Paris”, avec Vincent Cassel, parce que c’est une production à très fort impact économique avec un budget de 21 M€ presque entièrement dépensé en Ile-de-France”. Ce film a d’ailleurs bénéficié du nouveau système de bonifications mis en place par la Région, pour les productions engageant des dépenses sur des technologies très innovantes (effets visuels, réalité virtuelle), ou des dépenses de fabrication exceptionnelles par leur ampleur (tournages en studio, construction de décors ou de costumes particuliers, fabrication d’un film d’animation).
Il faudrait encore parler de l’aide au spectacle vivant (35 M€, avec un rééquilibrage au profit de la Grande Couronne) et bien sûr du riche patrimoine francilien (4.000 monuments répertoriés, 5 Md€ de recettes, un effet-levier de 70 € pour un euro investi) et des Journées du Patrimoine qui génèrent un nombre incalculable de visiteurs : “nous avons créé un label “Patrimoine d’intérêt régional” afin d’encourager les Franciliens à participer à la valorisation du petit patrimoine non protégé. Ce label permettra d’obtenir une aide régionale pour la restauration du patrimoine et une aide pour sa valorisation”, complète Agnès Evren. Le souci de la proximité, un défi permanent dans une Région de 12,5 millions d’habitants.
Voici la liste des dispositifs mis en place par la région Île-de-France.
– Soutenir les jeunes talents par le fonds FoRTE
– Lancer l’“Ile-des-chances”, plateforme de crowdfunding (financement participatif) pour jeunes créateurs
– Augmenter les budgets du FRAC et de l’Orchestre national d’Île-de-France
– Développer l’offre culturelle dans les lycées et les CFA (apprentissage) grâce à des partenariats avec le Centre national du Cinéma et le FRAC
– Créer un fonds de soutien pour aider les auteurs de jeux vidéo
– Accorder une aide exceptionnelle pour les tournages de films à fort impact économique pour le territoire francilien
– Développer la culture dans les 12 “îles de loisirs”
– Crée une “boîte à livres” dans les gares et lycées
– Accompagner le développement du campus des métiers spécialisés dans la création numérique
– Crée un label “patrimoine Île-de-France”
– Mettre en place le 1 % artistique pour tout aménagement aidé par la Région
– Soutenir l’aménagement d’ateliers d’artistes
– Organiser les tremplins Rock lycéens
– Valoriser les circuits culturels thématiques en Île-de-France
– Faire émerger de nouveaux musiciens grâce aux cafés musicaux “Jeunes talents Île-de-France”.
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