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Propos recueillis par Philippe Martin - Photos : Jie Wang
26 septembre 2017
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© Jie Wang - “J'ai présidé pendant seize ans une communauté d'agglomération, et j'ai subi moi aussi la baisse des dotations.”

Jacques Mézard : “Je suis favorable à la TVA pour les Régions”

En amont du congrès d’Orléans, le ministre de la Cohésion des territoires a dévoilé les grandes lignes de son action à Régions Magazine. Il se dit ouvert à la négociation budgétaire, et favorable à l’expérimentation dans les territoires.

Lorsqu’on évoque devant lui la situation parfois critique de certaines collectivités face aux baisses des dotations de l’état, Jacques Mézard rappelle dans un demi-sourire qu’il est l’auteur d’un rapport sénatorial sur ce thème*. Et qu’il a présidé pendant plus de quinze ans une communauté d’agglomération, celle du Bassin d’Aurillac, où il a subi les réformes et surtout les restrictions budgétaires voulues par les gouvernements successifs.

Celui qui avait été nommé ministre de l’Agriculture dans le premier gouvernement d’Édouard Philippe a dû très vite abandonner cette fonction pour déménager à quelques mètres de là, à l’Hôtel de Castries où il a succédé à l’éphémère Richard Ferrand. Jacques Mézard (Parti radical de gauche), fin connaisseur du fonctionnement des collectivités, n’est certes pas totalement désarmé pour faire face à la fronde naissante des territoires. Il sait que la tâche sera rude, mais croit dans les vertus du dialogue et de la négociation. S’agissant des Régions, il reconnaît leur rôle accru dans la dynamique de la France. Et se dit prêt à s’engager avec elles sur le terrain de l’expérimentation. En amont du congrès d’Orléans, il a dévoilé à Régions Magazine les grands axes de sa feuille de route.

Régions Magazine : Après la Conférence Nationale des Territoires, de nombreuses collectivités, à commencer par les communes et les métropoles,  sont montées au créneau pour refuser le plan de 13 milliards d’économies à réaliser, plan annoncé par le président de la République. Les Régions sont restées plus discrètes sur ce thème, mais elles estiment avoir déjà réalisé les économies demandées, et entendent pouvoir négocier. Jusqu’où le gouvernement est-il prêt à aller avec elles ?

Jacques Mézard : D’abord je tiens à rappeler quelque chose d’essentiel à mes yeux, et à ceux du gouvernement : va-t-on à nouveau réformer les institutions et la structure des collectivités ? La réponse est : non ! Quoique l’on puisse penser des réformes réalisées sous le précédent quinquennat, nous n’y retoucherons pas, en tout cas pas de façon substantielle. J’ai rassuré à ce sujet le président de Régions de France Philippe Richert.

Autre rappel préalable, lors du débat sur le projet de loi  de fusions des Régions, le secrétaire d’État aux collectivités en charge du dossier** avait annoncé à l’époque que cette mesure procurerait à terme une économie de 15 milliards d’euros… Des économies, il n’y en a pas eu, ou très peu, et souvent dans les Régions qui n’ont pas fusionné.

Ceci posé, il faut d’abord rappeler que le président de la République a indiqué à la Conférence Nationale des Territoires, qu’il ne s’agissait pas d’une baisse de dotations de 13 milliards d’euros, mais d’un effort d’économie de 13 milliards d’euros à réaliser sur toute la durée du quinquennat. Ce n’est pas la même chose. La preuve ? Nous respecterons notre engagement de ne pas toucher aux dotations en 2018, ce que les collectivités apprécient je pense.

Ensuite nous allons entrer dans un cycle de négociations. Il faut se concerter pour trouver ensemble les bonnes solutions.

 

© Jie Wang - Jacques Mézard a répondu aux questions de Régions Magazine.

© Jie Wang – Jacques Mézard a répondu aux questions de Régions Magazine.

 

RM : Oui, mais les Régions affirment qu’elles ont déjà rempli leur part de contrat, et pas l’État…

JM : Il y a une réalité : entre 2008 et 2017, le niveau de notre endettement est passé de 58 % à 100 % de notre PIB, pendant qu’en Allemagne il ne bougeait pas. Jusqu’à présent, pour faire face à cette situation, on s’est contenté de s’endetter davantage. Nous disons que ce n’est plus possible, et nous reconnaissons que l’État a largement sa part dans cette situation : il doit donc lui aussi faire des économies. Mais bien sûr, quand nous évoquons les économies envisagées, personne n’est content !

Je sais les difficultés et les contraintes qui pèsent sur mes collègues élus locaux. J’ai présidé pendant seize ans une communauté d’agglomération, et j’ai subi moi aussi la baisse des dotations ; je n’ai pas augmenté les impôts, j’ai renoncé à certaines embauches. Je vous rappelle que je suis co-auteur du rapport sénatorial sur les conséquences de la baisse des dotations sur le fonctionnement des collectivités…

Mon souhait personnel, c’est que nous avancions ensemble dans le cadre d’une bonne négociation, pour trouver les remèdes adaptés à la situation de chacun. En gardant bien à l’esprit que les disparités sont importantes entre les collectivités de nature différente, et aussi à l’intérieur d’un même niveau de collectivité.

RM : Lors du dernier congrès des Régions à Reims, en septembre 2016, Manuel Valls, alors Premier ministre, avait annoncé que dès 2018 une part de TVA serait allouée aux Régions, en échange de l’abandon progressif des dotations de l’État. Ceci pour permettre aux Régions de retrouver une fiscalité dynamique qui leur fait cruellement défaut. Pouvez-vous confirmer que cette mesure sera bien inscrite à la prochaine loi de Finances ?

JM : Je ne peux évidemment vous détailler le contenu de la loi de Finances 2018 qui n’a pas encore été présentée aux Assemblées. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il n’est pas question pour nous de revenir sur la stratégie qui a été négociée. Normalement, je dis bien normalement car je n’anticipe pas sur le débat parlementaire, la dotation de fonctionnement doit être remplacée par une part de TVA, ce dès 2018. Il doit y avoir une concertation sur le fait de basculer dès 2018 la totalité de la dotation globale de fonctionnement, ce afin de faire bénéficier les Régions d’une part de fiscalité dynamique.

 

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© Jie Wang – Jacques Mézard : “J’accompagnerai le Premier ministre au congrès de Régions de France.”

 

RM :  Les Régions réclament aussi, c’est même le thème de leur congrès, un droit à l’expérimentation élargi. Deux exemples : tester l’écotaxe sur un territoire ; ou, à défaut de régionaliser complètement Pôle Emploi, élargir le champ de la compétence emploi confiée aux Régions. Jusqu’où êtes-vous prêt à aller ?

JM : D’abord, je dois dire que je trouve extrêmement positif le volontarisme des Régions et de leurs exécutifs. Ceux qui ont été contraints de fusionner ont pris le taureau par les cornes, avec beaucoup d’efficacité. Il y a  une vraie volonté d’agir, de prendre des responsabilités, et l’on ne peut que s’en féliciter.

Ensuite, le gouvernement est favorable au principe de l’expérimentation. Mais nous nous heurtons  à une difficulté d’ordre juridique : une fois l’expérimentation effectuée, et même si elle donne des résultats positifs, il ne peut être question de la pérenniser car ce serait contraire au principe d’égalité des territoires. Si on veut aller plus loin, il faut donc une révision constitutionnelle. Y sommes-nous prêts ? Le débat est ouvert…

Le principe acquis, c’est que nous examinerons les proposions des Régions au cas par cas. Pour répondre plus précisément à votre question, je ne suis pour ma part pas hostile à une expérimentation en lien avec l’emploi et la compétence de Pôle Emploi. Mais quel chemin va-t-on prendre ? De plus, je vous rappelle que, sur ce thème, les Régions ne sont pas forcément d’accord entre elles, que certaines d’entre elles refusent de s’engager sur le terrain d’une régionalisation de Pôle Emploi, par exemple.

On voit bien sur le terrain à quel point l’action des collectivités est essentielle, à quel point l’action des Régions est stratégique. Après, il reste à régler la question de la proximité. L’augmentation de la taille des territoires éloigne les citoyens de leur collectivité. Mais il existe une prise de conscience, récente, du rôle primordial de leur action, à commencer par celle des Régions.

RM : Aurez-vous l’occasion d’évoquer ces thèmes au congrès d’Orléans ?

JM : J’accompagnerai le Premier ministre au congrès de Régions de France.

 

* Rapport d’information fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation relatif à l’évolution des finances locales à l’horizon 2017, par Philippe Dallier, Charles Guéné et Jacques Mézard, novembre 2014. Selon ce rapport réactualisé depuis, 62 % des collectivités avaient baissé leurs dépenses d’investissement en 2015, seules les Régions ayant à cette époque pu “relativement préserver leur niveau d’investissement”.

** Il ‘agit d’André Vallini (PS), secrétaire d’État en charge de la réforme territoriale d’août 2014 à février 2016.

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