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Propos recueillis par Philippe Martin Photos Hugues-Marie Duclos – Jie Wang
24 septembre 2018
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Pour Régions Magazine, François Hollande a fait le point sur les relations actuelles entre le gouvernement et les collectivités.

“Il faut donner de nouvelles compétences aux Régions !”

Pour Régions Magazine, François Hollande tire les enseignements de ses réformes territoriales. A l’encontre de l’actuel mouvement de recentralisation, l’ancien président de la République prêche pour des responsabilités renforcées au profit des territoires. Morceaux choisis.

C’est un François Hollande détendu et bronzé qui a reçu l’équipe de Régions Magazine dans les locaux de sa Fondation, rue de Rivoli à Paris. Ravi aussi, d’une certaine façon, de pouvoir évoquer un thème “sur lequel on ne m’interroge jamais”, regrette-t-il. Parce que ce thème, la relation entre l’État et les collectivités, a été au centre de son quinquennat marqué par les lois de décentralisation NOTRe et MAPTAM, par le redécoupage des Régions ou la fusion des communes. Parce que l’ancien président de la République ne renie pas, bien au contraire, son passé d’élu local, lui qui a été maire (de Tulle), conseiller régional, président de conseil général. Mais aussi parce que l’évolution actuelle ne lui plaît guère, ne correspond en rien à l’idée qu’il se fait des rapports entre l’État et ses territoires. Sans jamais citer une fois le nom de l’actuel chef de l’État, François Hollande ne ménage pas ses critiques envers le mouvement de recentralisation qu’à ses yeux la France subit aujourd’hui.

 

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François Hollande a reçu l’équipe de Régions Magazine dans les locaux de sa Fondation rue de Rivoli.

 

Régions Magazine : A la veille d’un congrès de Régions de France qui s’annonce tendu, les relations entre le gouvernement et les différentes strates de collectivités, singulièrement les Régions, ont rarement été aussi difficiles. Comment analysez-vous ce phénomène ?

François Hollande : Soyons justes. Depuis de nombreuses années, les relations entre l’État et les collectivités ont été marquées par les tensions budgétaires. Les efforts demandés à nos collectivités leur ont demandé énormément d’énergie, notamment pour rationaliser leur organisation. J’ai moi-même participé à cet état de fait. Aujourd’hui, la situation est différente et provoque un sentiment de malaise. Le retour de la croissance, que la politique de mes gouvernements a favorisé, aurait dû aider à la compréhension mutuelle, faire naître de nouveaux projets. Ce n’est pas le cas, et c’est même tout le contraire. Depuis un an, tous les choix de l’exécutif ont provoqué un mouvement de recentralisation, à rebours de mes orientations. Car moi, je suis un décentralisateur ! Je fais partie de ceux qui estiment que les grandes lois de 1982, sans cesse améliorées depuis, constituent un atout pour la France. D’autres estiment au contraire que l’action territoriale est trop pesante, qu’elle entraîne des gaspillages à tous les étages. Pour ma part, j’ai cherché à réorganiser les territoires : des régions plus grandes et plus puissantes, des métropoles enfin reconnues, des intercommunalités renforcées. Désormais les structures sont en place, et elles fonctionnent. Encore faut-il dialoguer avec elles.

RM : Mais les décisions de l’actuel gouvernement ne vont-elles pas dans le sens contraire : suppression de la taxe d’habitation, de la compétence apprentissage aux régions, etc ?

FH : On ne peut que le constater. Or la centralisation ne correspond plus aux aspirations des citoyens qui veulent être gouvernés au plus près. Le pouvoir central n’a, de toutes manières, plus les moyens de son autorité. Il a transféré de nombreuses compétences, et il est affaibli budgétairement. Par ailleurs l’autonomie financière des collectivités locales est remise en cause avec la disparition de la taxe d’habitation, et le Pacte budgétaire entre l’État et les collectivités.

C’est donc bien de notre démocratie qu’il est question, car à travers les impôts locaux qu’ils paient, les citoyens exercent aussi une forme de contrôle. Si les collectivités ne vivent que de dotations ou de compensations versées par l’Etat, il y a un risque que les électeurs se détournent des scrutins locaux, faute d’enjeux.

 

“La carte des nouvelles Régions ? Il faut croire que le “coin de table” avait du bon…”

RM : Trois ans après l’adoption de vos réformes territoriales, quel bilan en dressez-vous ? En commençant par les Régions…

FH : D’abord je constate qu’aucune Région ne remet plus en cause les délimitations que nous avons choisies à l’époque. Si l’on se souvient des critiques formulées au moment de la réforme, c’est même un point fondamental.

 

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RM : D’autant qu’on vous avait reproché d’avoir terminé la nouvelle carte des Régions sur un coin de table…

FH (sourire) : Eh bien c’est que le coin de table avait du bon ! En tout cas il a fini par déboucher sur un consensus. Ce qui me paraît important aussi, c’est que les Régions ont su s’organiser, notamment là où il y avait fusion, pour garder une présence de proximité sur leurs territoires, tout en étant plus efficaces grâce à leur capacité d’investissement renforcée. Elles se sont emparées des compétences supplémentaires, et ont également su gérer avec intelligence leurs rapports avec les nouvelles métropoles, et avec la ruralité. Toutefois, cela n’a pas fonctionné dans tous les domaines, nous n’y sommes pas arrivés par exemple dans le secteur de la formation, où j’avais souhaité que les compétences des Régions s’exercent plus largement, couvre l’ensemble de champs de la formation, au-delà des lycées et de l’apprentissage.

 

“L’expérience que vit un élu local, c’est irremplaçable. Maire, conseiller général, vous êtes en prise directe avec les problèmes concrets des citoyens, cela ne peut pas s’inventer du sommet de l’Etat.”

 

RM : Le problème, c’est que la situation est bloquée. Régions, Départements et communes ont refusé de siéger lors de la dernière Conférence nationale des Territoires. Comment faire pour renouer les fils d’un dialogue interrompu ?

FH : Le blocage actuel ne peut durer. Si l’on prend le cas des Régions, quand j’étais à l’Élysée, j’avais gardé un lien permanent et régulier avec leurs présidents. Moi, je sais ce que je dois aux collectivités, pour la mise en œuvre de nos politiques. L’expérience que vit un élu local, c’est irremplaçable. L’expérience d’un maire, d’un conseiller général ou régional est irremplaçable, il est en prise directe avec les problèmes concrets des citoyens, cela ne peut pas s’inventer du sommet de l’Etat. J’ai un souvenir très fort du congrès des maires, au lendemain des attentats du 13 novembre, alors que la traque du terroriste se poursuivait encore à Saint-Denis. Nous vivions un moment très difficile. Au Palais des Congrès, les maires se sont portés spontanément et immédiatement à notre soutien, au-delà de tout clivage politique. Je l’affirme avec force : rien ne peut se faire sans les élus locaux. Rien ne peut se faire désormais, en termes d’investissement, sans les Régions. Je suis personnellement favorable à ce que l’on franchisse une nouvelle étape dans la décentralisation, que l’on confie de nouvelles compétences aux Régions, assorties de nouveaux moyens. Face à cela, on a actuellement un État qui se rétracte. Il faudrait au contraire qu’il se décontracte…

 


Retrouvez l’intégralité de cette interview dans le numéro 144-145 de Régions Magazine, en kiosque cette semaine.

 

 

 

 

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