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Par Philippe Martin
28 septembre 2017
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(En haut) © SMA - Pour le SMA, la saturation de l'aéroport de Nantes est un phénomène récurrent et qui s’amplifie chaque année. (En bas) © Région Hauts-de-France - Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, était notamment entouré de Michel Dagbert, président du conseil départemental du Pas-de-Calais (à gauche), Jean-René Lecerf, président du conseil départemental du Nord (à droite), mais aussi de Laurent Somon, président du conseil départemental de la Somme, et de Jean-François Legaret, conseiller régional d’Île-de-France.

Grandes infrastructures : les élus se mobilisent

On regarde, on analyse, et pour le moment, on ne bouge pas” : ainsi pourrait-on résumer la pensée du gouvernement et du Premier ministre Édouard Philippe, s’agissant des deux plus grands projets d’infrastructures de transports français, le canal Seine-Nord-Europe et l’aéroport Notre-Dame-des-Landes. Auquel on pourrait ajouter la liaison ferroviaire Lyon-Turin, dont la ministre des Transports Élisabeth Borne a récemment laissé entendre qu’elle était, elle aussi, “gelée”.

Un gel, une “pause” selon l’expression gouvernementale du moment, qui ne convainc guère les élus régionaux et locaux de tous bords, décontenancés sinon révoltés par cet immobilisme qu’ils jugent dangereux. Et sur le plan financier, car les budgets européens déjà alloués à ces projets risquent de passer sous le nez de la France au cas où l’attente s’avérerait trop longue. Et sur le plan politique, car l’abandon de ces infrastructures espérées marquerait un coup d’arrêt fatal à tout projet d’envergure pour notre pays.

Un recul d’autant plus étonnant qu’on s’apprête à trouver les dizaines de milliards d’euros nécessaires à la bonne organisation des Jeux Olympiques de Paris de 2024, ce qui, pour le coup, n’a pas eu l’air de refroidir les ardeurs du président de la République… Toujours est-il qu’en cette rentrée de septembre, sur le terrain on s’agite quelque peu.

Les élus de l’ouest, réunis au sein du Syndicat Mixte Aéroportuaire (SMA), qui rassemble les vingt collectivités bretonnes et ligériennes investies dans le futur aéroport du Grand Ouest, ont tiré les premiers.  Parmi ces collectivités, les régions Pays de la Loire et Bretagne, les départements concernés, les métropoles de Nantes et de Rennes, des communautés de communes. Début septembre, ces élus unanimes ont adressé au Premier ministre un courrier qui fait suite aux informations recueillies durant l’été.

D’une part, alors que la médiation voulue par le président de la République est censée apaiser les tensions et permettre l’évacuation des occupants illégaux du site de Notre-Dame-des-Landes, les collectivités “ont appris que d’anciens élus membres de l’ACIPA, principale association d’opposants, participent aux ateliers contradictoires face à la Direction de l’aviation civile. L’État ne peut cautionner la présence de personnes qui soutiennent l’occupation illégale de la ZAD, appellent aux sabotages et même à l’opposition physique aux forces de l’ordre”, estiment les élus du SMA.

A leurs yeux, “tout comme l’impartialité des médiateurs aurait dû constituer un préalable, seule la participation d’experts est acceptable. La présence de militants s’opposant à la démocratie, au sein des ateliers contradictoires, décrédibilise de facto les conclusions du rapport. Pourquoi les associations de riverains de Nantes-Atlantique qui ont produit des études sur les conséquences néfastes des nuisances aériennes en termes de santé publique, n’y sont-elles pas associées ?”.

D’autre part, les collectivités ont eu confirmation que la prorogation de la Déclaration d’Utilité Publique (DUP)  n’avait pas encore été lancée, contrairement aux engagements du Premier ministre devant les élus du territoire lors de leur réunion à Matignon le 6 juin dernier. Pour Bruno Retailleau, président (LR) du SMA et de la région Pays de la Loire, “cette médiation doit rester une médiation d’apaisement telle que voulue par le président de la République, visant à faciliter l’évacuation des occupants illégaux. Le transfert de l’aéroport a déjà été validé par une déclaration d’utilité publique, 178 décisions de justice et le vote des citoyens. L’enjeu est de faire respecter la démocratie et de faire exécuter les décisions de justice.”

Les élus régionaux sont d’autant plus remontés que le trafic aérien de l’actuel aéroport de Nantes a battu des records depuis le début de l’année, davantage encore que les autres aéroports français. Et ils rappellent au passage que “la construction, l’exploitation, le développement du nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, et le réaménagement du site de Nantes-Atlantique, généreront 10.000 créations d’emplois pérennes.”

Une bonne nouvelle pour les partisans du projet ; pas sûr toutefois qu’au gouvernement tout le monde partage cet avis.

Des milliers de créations d’emplois, il en a aussi été fortement question, le 12 septembre, lors de la rencontre entre les élus des Hauts-de-France emmenés par leur président du conseil régional Xavier Bertrand, et les ministres des Transports Élisabeth Borne et des Comptes et de l’action publique Gérald Darmanin, qui était encore récemment vice-président des Hauts-de-France, en charge du… transport.

Si les ministres se sont félicités de l’ “esprit constructif” dans lequel s’est déroulée cette réunion de travail, ils ont également rappelé qu’en ce qui concerne “le montage financier du projet de Canal Seine-Nord Europe, le gouvernement a rappelé que, malgré les engagements passés, le financement n’est aujourd’hui pas totalement bouclé”. Les ministres ont “salué à ce titre les premières propositions formulées par les collectivités afin de parvenir à une solution.”

De quelles propositions s’agit-il ? Dès la sortie de cette rencontre, Xavier Bertrand a tenu un discours résolument offensif, rappelant d’abord qu’“un projet comme celui-ci, nous n’en reverrons pas dans la région avant des décennies. L’État ne doit pas bloquer ce canal, il n’est pas qu’un symbole, il va booster l’économie des Hauts-de-France. Il y a urgence maintenant : les acteurs économiques, les agriculteurs, les habitants attendent le canal.”

Les collectivités ont donc émis une proposition “majeure et stratégique” : régionaliser le canal de façon à ce qu’il ne soit plus porté par l’État ! Elles souhaitent carrément “prendre la main, seule solution pour ne plus être soumis aux retards et qu’enfin ce grand projet devienne une réalité”. Ainsi, l’établissement public et le conseil de surveillance du CSNE pourraient être pilotés par les collectivités locales.

L’État ne pouvant plus investir, la Région et les Conseils départementaux ont décidé de “poser sur la table des engagements concrets”. Pendant les deux premières années, les collectivités proposent d’avancer le financement à la place de l’État, dans la limite des enveloppes initialement prévues et sans mettre un euro de plus. De plus, elles s’engagent  à garantir l’emprunt pour réaliser le CSNE. L’État n’aurait ainsi plus à intervenir dans la garantie de l’emprunt.

Par ailleurs, les collectivités refusent toute éco-taxe. “Nous ne voulons pas nous faire imposer n’importe quelles recettes pour financer l’emprunt. Nous n’avons pas envie de tuer l’industrie du transport et de la logistique dans la région. Nous voulons au contraire développer la logistique, ce n’est certainement pas pour la pénaliser avec une éco-taxe”, a ajouté Xavier Bertrand.

Pour associer davantage la population à ce projet, des réunions publiques vont se dérouler prochainement sur tout le territoire. L’objectif : expliquer aux habitants  les enjeux liés au CSNE, et ce qu’il va apporter à la région. La première a eu lieu le 15 septembre, à la mairie de Péronne, dans l’Oise. Les collectivités quant à elles attendent une réponse du gouvernement avant le 15 octobre.

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