Chauffeurs de cars et prix des steaks
Après le Covid l’an dernier, les Régions se trouvent confrontées à de nouveaux problèmes liés à la rentrée dans les lycées : inflation du prix des denrées, pénurie de chauffeurs… Mais elles se sont organisées pour faire face.
« Vous voyez ce steak haché : eh bien, par rapport à l’an dernier, il me coûte 25 % plus cher ! ». François Bonneau n’en est pas encore revenu : en visite dans un lycée de Blois, le président de la Région Centre-Val de Loire a entendu le chef cuisinier lui expliquer les méfaits de l’inflation sur le prix de denrées. Certes, on ne voit pas bien comment la guerre en Ukraine peut affecter à ce point le coût d’une viande produite en France, mais le constat est là. Et bien entendu, pas question d’augmenter le tarif des cantines, au risque de creuser davantage les inégalités sociales : « nous ne toucherons pas au montant que paient les parents, explique celui qui est aussi président de la Commission Formation, Education, Orientation et Emploi à Régions de France. Mais ce sont nos budgets qui seront touchés de plein fouet, surtout si l’inflation venait à atteindre ou dépasser les 10 % ».
En cette rentrée des classes qui concerne 2.600.000 lycéens et 55.000 agents, l’inflation n’est d’ailleurs pas le seul souci des Régions. Il leur a d’abord fallu anticiper, et puissamment, sur la pénurie de chauffeurs de cars scolaires. Plus de 2 millions d’élèves sont véhiculés quotidiennement par les compagnies de transports affrétées par les Régions. Mais le chauffeur de car est devenu une denrée rare : cette année, 5.000 d’entre eux ont décidé d’arrêter le métier après une longue période de chômage partiel liée au Covid. « Si vous prenez le cas de mon territoire du Cotentin, explique David Marguerite, vice-président de la Région Normandie et président délégué de la même commission à Régions de France, notre taux de chômage est d’à peine à 5 %. Difficile dans ces conditions de trouver de la main d’œuvre disponible pour un métier à temps partiel, où l’on travaille deux heures le matin et deux heures le soir, pour un salaire pas très élevé. Nous avons mis le paquet pour trouver les 50 conducteurs manquants, et nous avons fini par en recruter nous-mêmes, en CDI ».
Fort heureusement, les Régions avaient largement anticipé le phénomène, travaillant très en amont avec les Fédérations de Transporteurs et les ministères concernés. En Centre-Val de Loire, « nous avons formé plus de 200 chauffeurs, ce qui fait que quatre postes seulement restaient à pourvoir à la veille de la rentrée », précise François Bonneau. Mais devant cet effort important des conseils régionaux, la remarque du nouveau ministre de l’Education Nationale Pape Ndiaye, conseillant aux parents de renforcer le covoiturage, comme si personne n’y avait pensé avant, a pu prêter à sourire… Difficile toutefois à mettre en place dans un hameau où il n’y a que quatre élèves concernés, et où personne n’a de voiture !
Bien réformer l’enseignement professionnel
Mais le prix des steaks et les autocars sans chauffeurs ne sont pas les seuls soucis rencontrés par les Régions en cette rentrée 2022. « L’autre enjeu majeur, c’est l’orientation, explique Kamel Chibli, vice-président de la Région Occitanie et président délégué de la commission Orientation à Régions de France. Il nous faut absolument valoriser les métiers en tension, comme dans ma région ceux de l’aéronautique. Pour ce faire, alors que les Régions disposent désormais de la compétence orientation dans les lycées, nous cherchons à aller plus loin en intervenant en amont, dans les collèges : en Occitanie, cela concerne plus de 600 établissements ».
Autre sujet fort de la rentrée : l’enseignement professionnel, auxquels les Régions sont particulièrement attachées. Après la réforme de l’apprentissage, aux résultats plus que mitigés (lire en pages suivantes), le gouvernement a annoncé une grande réforme de l’enseignement professionnel. Cela tombe bien, « nous voulons absolument le développer, nous voulons que dans cette filière la France passe devant l’Allemagne, annonce François Bonneau. Il faut réduire rapidement les tensions entre l’offre de compétences et la demande de compétences, mais cela implique un pilotage public, une carte des formations, ce qui fait cruellement défaut dans le cas de l’apprentissage où les situations absurdes se multiplient ».
A tous ces chantiers on pourrait encore ajouter ceux des lycées en tant que bâtiments, que les Régions continuent à construire et à rénover avec de fortes ambitions en matière d’économie d’énergie ; ou de l’intégration de la nouvelle autorité fonctionnelle des Régions sur les adjoints gestionnaires des lycées, introduite par la loi 3DS, et déjà en cours. Et l’on comprendra que la rentrée des Régions est plus que studieuse, ce qui est après tout logique lorsqu’on songe que l’enseignement pèse 16,3 % des budgets régionaux…
Philippe Martin
Le chiffre
4,1
En milliards d’euros, le budget de fonctionnement des Régions en faveur de l’enseignement (soit 1.814 € en moyenne par lycéen). Auxquels il convient d’ajouter 3,4 Md€ pour le budget d’investissement (soit une moyenne de 1.504 € par lycéen).