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Philippe Martin
03/12/2022
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Le REME de Strasbourg ressemblera beaucoup au TER Grand Est. Mais ce sera bien un RER… Photo Stadtler Région Grand Est.

Ces dix RER qui font déjà grand bruit

L’annonce d’Emmanuel Macron, des RER dans les dix plus grandes villes de France, a provoqué autant d’enthousiasme que de scepticisme. Décryptage.

Du Macron tout craché. Le lieu, d’abord : sa chaine YouTube. Le moment : un dimanche après-midi, alors que personne ne s’y attend. La manière : sans avoir prévenu, ni sa Première ministre, ni son ministre des Transports, ni les présidents des collectivités (Régions, Métropoles) concernées. Le ton, familier : « moi, je suis à fond pour le train ! ». Le message : nous allons lancer 10 RER dans les dix plus grandes villes françaises. Comme une nouveauté, alors que celui de Strasbourg sera opérationnel dès ce 11 décembre…

L’intervention du président de la République, le 28 novembre, était destinée à faire du bruit, et elle en a fait. À montrer qu’Emmanuel Macron s’intéresse aux problèmes concrets des Français, transports, pollution, et il y a plutôt réussi. Même s’il y a quelques bémols, en particulier dans la façon dont cette annonce à la hussarde a été perçue.

C’est Carole Delga qui a dégainé la première. La présidente de Régions de France s’est d’abord réjouie : « l’appel des présidents de Région à un New Deal ferroviaire a été entendu ! Pour la première fois, l’Etat s’engage sur les RER métropolitains, qui sont une nécessité pour développer les transports collectifs dans les villes et leurs grandes périphéries ».

Mais de rappeler aussitôt que « les Régions attendent que cette annonce se traduise dès la préparation des contrats de plan Etat-Régions ». De son côté, Jean Rottner, président de la Région Grand Est et de la commission Transports à Régions de France, n’a pu s’empêcher de rappeler que « ces infrastructures sont déjà en cours de lancement dans certaines Régions, c’est le cas du Grand Est » (lire en encadré).

« Coup de com »

A Régions de France, on enfonce le clou. Carole Delga souhaite que « soient rapidement réunis les acteurs de ces projets – Etat, Régions, Métropoles et SNCF – afin que soient précisés le niveau d’engagement financier de chacun et le calendrier de déploiement. J’espère qu’il ne s’agit pas que d’une annonce et qu’elle se transformera rapidement en actes concrets. »
Et d’ajouter : « Le succès de cette réforme ambitieuse dépendra également de la capacité de la SNCF à relever le défi de l’important programme de travaux qui en découlerait, qui devra soutenir l’emploi et l’innovation dans nos entreprises industrielles. »

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L’annonce surprise d’Emmanuel Macron le 28 novembre, sur sa chaîne YouTube. Capture d’écran YouTube

Les présidents de Région ont d’ailleurs réagi de façon assez diverse. En Île-de-France, Valérie Pécresse a jugé l’annonce présidentielle « décalée », estimant « qu’avant de faire des annonces pour les dix années à venir, le gouvernement devrait d’abord aider les autorités organisatrices de transports à boucler leur budget pour 2023. » En Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez a rappelé : « nous, ce projet-là, ça fait cinq ans qu’on y travaille et tout est prêt. Sur le papier, c’est donc une bonne nouvelle, mais notre tempérament montagnard incite maintenant à ce que l’on bascule dans du concret », a-t-il déclaré à l’AFP. Et de rappeler au passage que le « RER à la lyonnaise » représente sept milliards d’euros à l’horizon 2035.

De son côté, Franck Dhersin, vice-président aux Transports de la Région Hauts-de-France, a déploré « la non-concertation avec les régions », avec une « annonce qui est tombée comme un cheveu sur la soupe, comme un coup de com ». Rappelant au passage que le projet de RER reliant Lille au Bassin minier a été porté par le président Xavier Bertrand tout au long de la campagne des régionales.

Ni financement, ni calendrier

Du côté de France urbaine, qui regroupe métropoles et agglomérations, confiance rime aussi avec vigilance. Si l’association présidée par la maire de Nantes Johanna Rolland, « se félicite que le chef de l’Etat partage le diagnostic de France urbaine, qui appelle depuis plusieurs années l’Etat à accompagner le développement des infrastructures de mobilité, notamment des RER métropolitain », c’est pour ajouter aussitôt qu’elle sera « attentive à ce que cette annonce soit suivie d’actes ambitieux et concrets, et à ce que les métropoles concernées soient pleinement parties prenantes ». Comme si cela n’allait pas de soi…

Et comme si l’argent magique pouvait financer un projet qui devrait peser aux alentours de30 milliards d’euros. Sans que l’on sache d’ailleurs quelle sera la part de l’Etat, et celle des collectivités dont les trois associations majeures (villes départements, régions), réunies dans “Territoires Unis”, viennent de pousser un cri d’alarme sur « le risque d’une chute historique de l’investissement ». Et sans parler non plus du calendrier, alors qu’on sait que le Grand Paris Express, qui devait être fin prêt pour les JO de Paris en 2024, ne sera pas achevé avant… 2032.

Pierre Adrien

À Strasbourg, le RER métropolitain roule déjà !

Dans son intervention sur YouTube, Emmanuel Macron s’est bien gardé de lister les dix villes concernées par son « grand projet », même si l’on peut penser que Lille, Bordeaux, Nantes, Lyon, Toulouse, Marseille ou Rennes en bénéficieraient forcément.

Du côté de Strasbourg, on a « devancé l’appel » ! La Région Grand Est n’a pas attendu l’annonce présidentielle pour inaugurer son RER métropolitain. Dès le 11 décembre, 120 trains quotidiens supplémentaires seront mis en circulation, avec les caractéristiques d’un véritable RER : cadencement à la demi-heure, amplitude de service étendue tôt le matin, augmentation des fréquences le week-end et particulièrement le samedi…

Cofinancé par la Région et l’Eurométropole de Strasbourg, le REME (Réseau Express Métropolitain Européen) proposera 813 trains supplémentaires par semaine dès le 11 décembre., et la cadence continuera d’augmenter jusqu’en août 2023. Il permettra aussi de futures dessertes transfrontalières vers la Sarre, la Rhénanie-Palatinat et le Bade-Wurtemberg, et sera relié à d’autres mobilités collectives : cars express circulant sur des voies réservées, articulation avec le réseau urbain de bus et tramways…« A chacun de profiter de l’expérience de Strasbourg de manière à faire gagner du temps à d’autres métropoles, a lancé le président du Grand Est Jean Rottner, tout en ajoutant : « il faut que le chef de l’Etat nous donne les clefs de ce chantier ».

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