Pas de “grand soir” pour la décentralisation
Une fois encore, le discours d’Elisabeth Borne devant les présidents de Région, à Saint-Malo, n’a pas vraiment marqué une étape vers davantage de décentralisation. Au contraire…
Philippe Martin
Une fois encore, le discours d’Elisabeth Borne devant les présidents de Région, à Saint-Malo, n’a pas vraiment marqué une étape vers davantage de décentralisation. Au contraire…
« Je ne viens pas pour vous faire de grandes annonces » : en commençant son discours par cette phrase qui laissait entrevoir un moment d’une grande intensité, la Première ministre Elisabeth Borne a mis fin aux espoirs répétés par les précédents intervenants du congrès de Régions de France, à Saint-Malo, le 28 septembre.
Tour à tour, Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne et hôte du congrès, Carole Delga, présidente de Régions de France, et plus encore Gérard Larcher, président du Sénat, avaient enchaîné des interventions pleines d’espoir, non pas en un monde meilleur, mais en un Etat un peu plus à l’écoute de ses territoires. Les deux n’étant d’ailleurs pas incompatibles, au contraire.
« Je vous lance un défi : et si nous faisions un vrai tandem Etat-Région », avait lancé Carole Delga, filant la métaphore rugbystique (c’est de saison) en proposant à la Première ministre de « faire pack » avec les présidents de Région. Tout en déplorant la nouvelle baisse des dotations aux collectivités, contenue dans le projet de loi de finances 2024.
Gérard Larcher, en chantre des territoires, réclamant pour sa part « une grande loi de décentralisation, avec moins de verticalité et plus de confiance », annonçant des propositions de loi à venir de la part du Sénat allant vers davantage de subsidiarité.
Rien de tout cela dans la réponse de la Première ministre. Si elle a rappelé à quel point elle était attachée à la « concertation, à la confiance, au respect des engagements réciproques », si elle a redit (comme l’an dernier) que son gouvernement était « attaché au respect des spécificités de chaque région », ces beaux principes ne sont guère suivis d’effets.
En témoigne l’annonce par le président de la République du Pass Rail, sans aucune concertation préalable avec les Régions qui seront pourtant en charge de son financement… Tout juste un appel aux préfets de « faire remonter les attentes en matière d’expérimentation, de différenciation ». Et la Première ministre de lancer aux présidents de Région : « n’hésitez pas à interpeller vos préfets sur vos propositions ». On est assez loin du grand soir espéré…
Au programme à venir, la réforme de France Travail, celle du lycée professionnel, le projet de la loi Industrie verte, auxquels elle s’est engagée à associer les Régions. Et le lancement de « COP territoriales » coanimées par les présidents de Région… et les préfets : encore une manière particulière d’appréhender la décentralisation, sachant que de telles “COP” existent et fonctionnent déjà dans la plupart des régions… sans les préfets.
Philippe Martin