« Dérives des dépenses » : la colère des Régions
Dans une interview à l’Express, Emmanuel Macron a affirmé que le déficit public était causé en partie par les collectivités. Les associations d’élus s’indignent.
Philippe Martin
Il fallait s’y attendre : l’interview donnée par le président de la République à l’hebdomadaire L’Express a fait bondir du côté des trois principales associations d’élus territoriaux. Pour justifier le trou abyssal des finances publiques (173 milliards d’euros en 2023, soit 21 de plus que l’année précédente), et le déficit public record à 5,5 % du PIB, Emmanuel Macron a invoqué la crise des Gilets Jaune, le Covid-19 et la diminution des recettes fiscales liées au ralentissement de l’activité économique. Avant d’ajouter : « Hormis une dérive de dépenses initialement prévues qui est du fait des collectivités territoriales, il n’y a pas de dérapage de la dépense de l’État ».
Une occasion manquée pour l’État de réduire le déficit selon la Cour de Comptes
Une phrase qui contredit les analyses de la Cour de Comptes et celles de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Pierre Moscovici, premier président de la Cour de Comptes, avait notamment déclaré au mois d’avril : « Sur les dépenses, il y a un constat clair et décevant : nous n’avons pas profité du reflux des dépenses exceptionnelles de crise et de relance pour diminuer les dépenses de l’État et réduire le déficit. »
« Non, M. le président de la République, les collectivités locales ne sont pas responsables de la dérive des finances publiques ! »
De leur côté, l’Association des maires de France, Régions de France et Départements de France ont immédiatement publié un communiqué au ton indigné, dénonçant une affirmation « laconique, au ton déloyal » : « Non, M. le président de la République, les collectivités locales ne sont pas responsables de la dérive des finances publiques ! ».
Inflation et transfert de charges de l’État vers les collectivités
Et de préciser : « L’augmentation des dépenses locales constatée cette année résulte de deux facteurs indépendants de la gestion des collectivités : le transfert de charges de l’État vers les collectivités et l’inflation, notamment des coûts des matières premières, de l’énergie et des taux d’intérêt, qui ont une incidence directe sur les dépenses de transport public, le fonctionnement des établissements scolaires ou encore sur les frais financiers.
Le président de la République ne peut davantage ignorer que l’exécutif a lui-même augmenté les dépenses locales en revalorisant par exemple la rémunération des fonctionnaires territoriaux à la charge des collectivités, ou les allocations sociales versées par les départements et les CCAS.
Cette affirmation est d’autant plus infondée que les collectivités territoriales contribuent depuis des années à améliorer les comptes publics, tandis que l’État connaît un dérapage structurel de ses dépenses. En effet, la dette desdites collectivités est stable et même en légère diminution depuis 30 ans, passant de 9 % du PIB en 1995 à 8.9 % en 2023, là où la dette de l’Etat s’est envolée, de 40,1 % du PIB à 89,7 % sur la même période. »
Les associations de collectivités rappellent également que, tenues de respecter la règle d’or, elles « ne peuvent d’ailleurs emprunter pour financer leurs dépenses de fonctionnement, à la différence de l’État. » En effet, les collectivités n’ont pas le droit de voter un budget qui ne soit pas à l’équilibre et, contrairement à l’État, elles ne peuvent emprunter pour financer leurs dépenses de fonctionnement.
Une confiance exécutif – élus locaux mise à mal
Territoires Unis, qui rassemble les trois associations d’élus, « estime que cette déclaration provocatrice porte une nouvelle atteinte à la confiance pourtant nécessaire entre l’Exécutif et les élus locaux. Il s’agit manifestement d’une tentative de détournement de l’opinion publique par le président de la République, pour occulter la lourde responsabilité de l’Exécutif sur la dégradation des comptes publics du pays. Territoires Unis appelle à un débat objectif et respectueux des réalités. »
Dans ce contexte redevenu explosif, les mesures annoncées en début d’année par l’exécutif pour « faire contribuer les collectivités à la réduction des dépenses publiques », toujours non connues à ce jour, seront attendues avec d’autant plus d’impatience. Et d’inquiétude.