« Choqués, humiliés… »
La fin du congrès de Régions de France a tourné à la discorde entre le Premier ministre et la présidente de l’association Carole Delga. Tout avait pourtant bien commencé…
Philippe Martin
La fin du congrès de Régions de France a tourné à la discorde entre le Premier ministre et la présidente de l’association Carole Delga. Tout avait pourtant bien commencé…
Elle avait pourtant bien fait les choses, Carole Delga. La présidente de la Région Occitanie, et de Régions de France, en parfaite hôtesse, avait réservé un accueil républicain au Premier ministre. L’élue socialiste, en recevant Jean Castex au congrès des Régions à Montpellier, lui avait d’abord lancé : « notre accent, le mien et le vôtre, c’est notre étendard ! Vous êtes un homme des territoires, et je sais que ce n’est pas pour vous qu’un élément de langage ». Rappelant les difficultés éprouvées avec son prédécesseur, le beaucoup plus froid Édouard Philippe, elle avait toutefois ajouté « la confiance ne se décrète pas », rappelant au passage la surprise des présidents de Région lorsqu’ils avaient découvert, quelques jours avant le congrès, que le projet de loi de Finances 2022 leur rabotait au passage une baisse de dotation de 50 M€…
On attendait donc du Premier ministre un geste positif envers ces Régions qui l’accueillaient plutôt aimablement. Surprise, il allait faire du Édouard Philippe, l’accent du midi en plus. Un peu goguenard (« c’est un peu boutiquier, les rapports entre l’Etat et les Régions »), un poil agacé (« ce n’est pas la peine de faire un communiqué vengeur contre le gouvernement juste avant votre congrès »), un rien condescendant aussi. Comme lorsqu’il a rappelé que si l’impact de la crise pesait 4 milliards d’euros sur les budgets des Régions, l’Etat lui, en était de 92 milliards d’euros de sa poche… oubliant au passage que l’Etat produit autant de déficit qu’il veut, alors que la loi l’interdit aux collectivités locales.
Jean Castex a bien essayé de vendre le projet de loi « 3DS » à son assistance, mais la part que cette loi dite de décentralisation accorde aux Régions est tellement mince que lui-même n’en a pas l’air convaincu : « certes, ce n’est pas le grand soir de la décentralisation », a-t-il admis. Y ajoutant pour faire bonne mesure un geste de l’Etat, la prise en compte des 127 M€ des frais de gestion supplémentaires liés à la crise et jusque-là à la charge des Régions.
Geste passé un peu inaperçu si l’on en juge par l’accueil réservé par l’assistance : quelques maigres applaudissements, un départ en catimini sans serrer une main, rappelant étrangement la fuite d’Édouard Philippe lors du congrès des régions à Orléans. A croire que les relations entre l’Etat et les Régions ne seront jamais un long fleuve tranquille.
En tout cas, quand les présidents de Région revinrent sur scène pour une rapide conférence de presse, c’est une Carole Delga très déterminée, à la voix presque tremblante de colère, qui s’est exprimée : « nous sommes très choqués de ce discours, du ton employé, de l’analyse de la situation qui nous est présentée : tout va bien, l’Etat a tout bien fait, et les Régions n’ont qu’à exécuter les plans décidés par l’Etat ! ».
Et de poursuivre : « nous étions venus dans un esprit positif, mais il n’existe aucune volonté politique de la part de ce gouvernement de travailler avec les Régions. De nombreux conseillers régionaux ressentent un vrai sentiment d’humiliation ». Au nom des territoires ultramarins, le nouveau président de la Collectivité de Guyane Gabriel Serville tint même à ajouter qu’il avait éprouvé de la part du Premier ministre à l’égard de ses concitoyens un « véritable sentiment de condescendance ».
Les présidents de Région se sont engagés à se retrouver très rapidement en conseil extraordinaire « pour tirer les conséquences de cette prise de position ». Les prochains mois s’annoncent tendus.
Philippe Martin