Agnès Pannier-Runacher dévoile sa loi
Le projet a été présenté par la ministre de la Transition énergétique. Retour à travers son interview dans Régions Magazine.
Philippe Martin
Le projet a été présenté par la ministre de la Transition énergétique. Retour à travers son interview dans Régions Magazine.
Ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher a présenté en conseil des ministres son projet de loi “relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables”. “Le déploiement massif des énergies renouvelables, a-t-elle déclaré, est essentiel pour amplifier notre lutte contre le dérèglement climatique et diminuer notre dépendance aux produits énergétiques importés qui représentent deux tiers de notre consommation énergétique”.
Pour la ministre, il s’agit maintenant de “lever tous les verrous administratifs et de procédure pour diviser par deux les délais des projets d’énergie bas carbone. Il faut à l’heure actuelle 5 ans de procédure en moyenne pour construire un parc solaire qui ne nécessite que quelques mois de travaux et plus d’une décennie pour un parc éolien en mer. C’est deux fois plus long que chez la plupart de nos voisins européens. Nous voulons donc agir sur quatre leviers grâce à ce texte.”
Ces quatre leviers consistent en l’accélération des procédures, la libération d’un potentiel foncier adapté aux projets d’énergie renouvelables, l’accélération de l’éolien en mer, et l’amélioration du financement pour les projets d’énergie renouvelable.
Dans le dernier numéro de Régions Magazine, Agnès Pannier-Runacher a longuement répondu à nos questions.
Régions Magazine : Votre poste de ministre paraît plus exposé que jamais, et en plus vous avez lancé début juillet une série de mesures destinées à renforcer la sobriété énergétique des Français. Avec au passage quelques nouveaux interdits, comme celui de laisser ouvertes les portes des commerces climatisés. Ne craignez-vous pas que l’on vous reproche de faire encore de l’« écologie punitive » ?
Agnès Pannier-Runacher : Lancé par la Première ministre fin juin, le Plan sobriété s’inscrit dans une stratégie plus globale pour inciter chacun à économiser davantage l’énergie, et l’idée est d’embarquer avec nous les plus gros acteurs concernés, à commencer par l’Etat ou les grandes industries, dont nous attendons l’exemplarité. Mais bien sûr les particuliers sont impliqués également, comme dans l’exemple que vous citez. La plupart du temps, il s’agit d’ailleurs de mesures de simple bon sens. Dans le cas des commerces climatisés, ce sont les commerçants eux-mêmes qui ont attiré notre attention sur un point auquel nous n’avions pas forcément pensé : une étude démontre que les clients entrent plus facilement dans les commerces dont les portes sont ouvertes !
Il convient donc de pousser les magasins climatisés à ne plus laisser leurs portes ouvertes, ce qui est une hérésie écologique, et à mettre tout le monde sur un pied d’égalité afin d’éviter toute forme de concurrence déloyale.
RM : Pouvez-vous résumer les grandes lignes de votre projet de loi ?
APR : Il s’agit en fait d’un vaste plan pour accélérer la transition énergétique, comme l’a annoncé le Président de la République. Ce plan comporte deux grands volets. D’abord un volet réglementaire et organisationnel. Il s’agit d’éliminer tous les grains de sable qui empêchent la machine de fonctionner à un bon rythme. Par exemple, renforcer les équipes dans les services instructeurs de l’Etat lorsque c’est nécessaire, cartographier les zones les plus propices aux ENR en fonction des possibilités de se raccorder au réseau ou des enjeux environnementaux, permettre aux producteurs d’électricité verte de faire face à l’augmentation des coûts de leur projet en les autorisant à vendre provisoirement de l’électricité sur les marchés.
Et aussi raccourcir les délais. Ce qui est reproché à notre pays, c’est la longueur de nos procédures, liées en particulier aux recours qui sont engagés contre les projets d’installation.
Bien entendu, il ne s’agit pas d’empêcher les recours, dont le maintien est indispensable dans un Etat de droit. Mais d’encadrer leur délai. Ce sera la règle des « trois fois 10 mois ». Dix mois pour un recours devant le Tribunal administratif, 10 mois en cas de recours devant la Cour d’Appel. Et en fin 10 mois pour la décision du Conseil d’Etat. Au total deux ans et demi, au lieu de six ans en moyenne aujourd’hui…
L’autre volet de la loi sera législatif. Il permettra de mobiliser des réserves foncières dans des délais raccourcis ; d’accélérer les procédures administratives ; ; de mieux partager la valeur économique des énergies renouvelables notamment avec les riverains, etc. Il faut que les habitants de notre pays puissent ressentir le bénéfice direct et évident du développement des ENR.
Car c’est une réalité : nous devons sortir des énergies fossiles.
RM : En février 2019, vous déclariez dans Régions Magazine au moment du lancement de Territoires d’Industries, « en matière de développement économique, ce sont les régions qui sont compétentes ! ». Diriez-vous la même chose en matière la transition énergétique ?
APR : Le Code de l’Énergie est très clair à ce sujet : il partage le déploiement et la mise en œuvre des énergies renouvelables entre l’Etat et les Régions. Il s’agit donc bien d’une compétence partagée, qui ne concerne d’ailleurs pas que les Régions mais bien l’ensemble des collectivités, lesquelles ont tout intérêt à s’entendre entre elles afin d’accroître leur efficacité.
Pour ma part, je compte entreprendre dès la rentrée un tour de France des régions, afin de mettre en évidence les bonnes pratiques, de valoriser les projets qui ont réussi, de faire voir à chacun ce qui marche. Et de les accompagner avec les opérateurs de l’Etat, sur le plan technique avec l’ADEME, sur le plan financier avec le SGPI (NDLR secrétariat général pour l’investissement) qui dispose de crédits à cet effet.
Propos recueillis par Philippe Martin
Photos Hugues-Marie Duclos Régions Magazine