Apostolos Tzitzikostas : « La crise doit être traitée localement »
Dans une tribune que publie Régions Magazine, le président du Comité européen des régions Apostolos Tzitzikostas plaide avec vigueur pour un traitement local des conséquences de l’épidémie.
Durant toute la semaine, le Comité européens des régions, qui rassemble des représentants des Régions et des Villes des 27 pays de l’Union européenne, organise son « European Week » à Bruxelles dans des conditions rendues particulièrement difficiles par les consignes sanitaires des pays de l’UE.
A cette occasion, son président Apostolos Tzitzikostas a rédigé une tribune pour rappeler avec vigueur que les conséquences de la crise ne seront traitées efficacement que si elles le sont à l’échelon local. Régions Magazine publie cette tribune sur son site internet, avant d’éditer avec son numéro de décembre un numéro spécial sur le Comité des régions, et sur le thème « A quoi sert l’Europe en région ».

Voici le texte de la tribune :
« L’impact de la crise du coronavirus se fera ressentir dans l’Union européenne pendant les années à venir. Il y a même un risque qu’elle aggrave le déséquilibre économique et social entre ses régions, non seulement du fait que la pandémie a touché les régions de manière inégale, avec des effets parfois dévastateurs sur l’économie et le marché du travail, mais aussi parce que la solidité financière des États membres de l’UE et des autorités régionales et locales varie lorsqu’il s’agit de faire face à l’impact de la crise. Le comité européen des régions, composé de 329 élus politiques locaux et régionaux de tous les États membres et qui conseille les institutions de l’UE sur l’élaboration de la législation, a présenté pour la première fois un rapport sur ce sujet, le “baromètre annuel régional et local”. Ce rapport évalue en effet l’impact de la crise et la manière dont elle est gérée par les différents niveaux de gouvernement.
En France, les collectivités locales et régionales du pays pourraient subir des pertes financières d’environ 7,5 milliards d’euros en 2020 (réparties entre 3,2 milliards d’euros pour les communes, 3,4 milliards d’euros pour les départements et 0,9 milliard d’euros pour les régions), soit environ 3 % de leurs revenus totaux en 2019. Ces pertes proviendraient, entre autres, de la baisse des recettes de TVA résultant d’une baisse d’activité, de la baisse des taxes sur les transactions immobilières suite à la suspension des activités des agences immobilières, de la baisse des frais d’immatriculation des véhicules en raison de la baisse des ventes de voitures, et recettes de taxe de séjour réduites.
« Pour la mise en œuvre efficace du plan de relance, il faut utiliser la politique de cohésion qui propose depuis des décennies des mécanismes éprouvés de coordination entre les différents niveaux de gouvernement dans l’Union européenne. »
L’UE a répondu à la crise du coronavirus, peut-être avec du retard, mais par une réponse claire. Sur proposition de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE se sont mis d’accord le 21 juillet sur un budget et un plan de relance de plus de 1 800 milliards d’euros, actuellement en cours de négociation avec le Parlement européen. Dans les années à venir, le volume de financement disponible dans l’Union européenne, y compris pour les villes et les régions, sera plus de deux fois plus élevé que le volume actuel. Pour certains États membres, ce soutien dépassera temporairement 5% de leur produit intérieur brut et profitera principalement aux régions les plus touchées par la pandémie. Ce soutien est d’une ampleur sans précédent et représente un acte de solidarité européenne. Nous pensons que les niveaux local et régional devraient jouer un rôle crucial dans la conception et la mise en œuvre de ce plan de relance pour une utilisation ciblée et efficace des financements. Pour ce faire, il faut utiliser la politique de cohésion qui propose depuis des décennies des mécanismes éprouvés de coordination entre les différents niveaux de gouvernement dans l’Union européenne.

Notre baromètre met aussi en avant les conséquences sociales de la crise du coronavirus : certains groupes sont plus vulnérables que d’autres, comme les femmes, qui ont dû ou doivent encore consacrer plus de temps aux enfants et aux personnes âgées et qui peuvent être victimes de violences conjugales. Les jeunes sont aussi particulièrement victimes de la crise car ils ont moins d’opportunités pour accéder au marché du travail. De nombreuses villes et municipalités ont offert des services sociaux supplémentaires pour parer à ces problèmes. Le comité européen des régions a mis à leur disposition une plateforme pour échanger leurs expériences.
Les citoyens de l’Union européenne doivent être associés à la gestion de la crise du coronavirus. La confiance dans la politique est une condition préalable cruciale pour cela. Une enquête représentative réalisée pour le compte du comité européen des régions montre que la confiance dans les élus locaux et régionaux est la plus élevée chez les citoyens européens, d’une manière générale, et plus particulièrement pour faire face aux conséquences de la crise. La confiance octroyée aux maires et autres politiciens locaux et régionaux est plus importante que celle octroyée aux gouvernements nationaux et à l’Union européenne. Par ailleurs, les deux tiers des citoyens européens sont convaincus que le niveau local et régional n’est pas suffisamment pris en compte dans les décisions de l’Union européenne et estiment qu’il serait important – notamment dans les domaines de la santé et de l’emploi, de la politique sociale et de l’éducation – d’associer plus étroitement les villes et les régions à l’élaboration des politiques européennes.
La conférence sur l’avenir de l’Europe, qui devrait débuter d’ici la fin de l’année sous la présidence allemande du conseil de l’Union européenne et qui rédigera un scénario pour l’avenir de l’Union européenne d’ici le printemps 2022, peut server de forum pour ce faire. Les membres du comité européen des régions joueront leur rôle en veillant à ce que la dimension locale soit prise en compte de manière appropriée. Ce qui est valable pour la gestion de la crise du coronavirus est valable pour l’avenir de l’Europe : seul ce qui fonctionne localement peut fonctionner à plus grande échelle. »
Apostolos Tzitzikostas est Gouverneur de la région de la Macédonie centrale en Grèce et président du comité européen des régions à Bruxelles.
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