Alstom fait face à la vague de commandes
Du Grand Paris Express au train bi-mode à hydrogène livré aux Régions, le point avec son directeur général Jean-Baptiste Eymeoud.
Deuxième constructeur ferroviaire mondial (derrière le groupe chinois CRRC) depuis le rachat de son concurrent Bombardier il y a deux ans, Alstom bénéficie d’un carnet de commandes largement garni. A tel point que certains présidents de Région regrettent les délais actuels pour livrer les rames. Le point avec le directeur général de la branche Transports Jean-Baptiste Eymeoud.

En présence du président de la Région Centre-Val de Loire François Bonneau et de Jean-Baptiste Eymeoud, premiers essais du train à hydrogène sur la ligne Tour-Loches le 1er février dernier. Photos Région Centre-Val de Loire.
Régions Magazine : Il y a deux ans, vous aviez présenté à Valenciennes les premières rames du train à hydrogène. Où en est-on aujourd’hui ?
Jean-Baptiste Eymeoud : Ces trains circulent depuis un an sur plusieurs lignes en Allemagne. En France, nous avons réalisé les premiers essais du Coralia I-Lint en “réel” sur la ligne Tours-Loches, en Centre-Val de Loire, au mois de février. Nous allons maintenant effectuer une campagne d’essais en France, en sachant qu’il faut adapter la signalisation, les équipements de sécurité… Cela va durer encore plusieurs mois.
Parallèlement, l’autre modèle conçu par Alstom, le Régiolis H2 qui est un train bi-mode électrique et hydrogène, a été commandé par les Régions Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté, pour une mise en circulation à l’horizon 2025. 14 trains sont déjà en cours de validation technologique.
RM : Île-de-France Mobilités vient d’attribuer l’exploitation et la maintenance de la ligne 15 Sud du Grand Paris Express au Consortium ORA, dont vous faites partie aux côtés de RATP Dev. Que représente ce chantier de métro automatique pour Alstom ?
JBE : C’est évidemment un très gros chantier ! Je vous rappelle que le Grand Paris Express prévoit la construction de 200 km de lignes de métro, les lignes 15, 16, 17 et 18, et qu’Alstom a remporté l’appel d’offres pour l’ensemble, aux côtés de RATP Dev, ce qui représente plus de 400 voitures à livrer à terme…
Mais ce n’est pas le seul chantier sur le lequel nous travaillons pour le compte d’Île-de-France Mobilités, très loin de là. On peut citer les nouvelles rames pour les RER D et E ; les métros sur pneus pour les lignes 4, 11 et 14 ; le tramway T12 et le tram-train T10. Il y a encore, dans le cadre du TER, des rames Regio2N fabriquées dans nos usines de Crespin, près de Valenciennes, qui viennent compléter le réseau régional.
La présidente du conseil régional Valérie Pécresse dit souvent que sa Région représente à elle seule près de 10 % du chiffre d’affaires d’Alstom Transports, et je pense qu’on n’en est pas loin…
RM : Vous venez de remporter des contrats prestigieux avec la ville de Québec, les Etats-Unis, ou encore aux Philippines. Mais certaines Régions françaises se plaignent des délais de livraison des rames (lire à ce sujet l’interview de Franck Leroy, président du Grand Est et de la commission Transports à Régions de France). Qu’en est-il au juste ?
JBE : D’abord, il faut savoir qu’entre le moment où la commande est réellement passée et la livraison des rames, il se passe entre 18 et 20 mois. Ensuite, comme tous les industriels de cette filière, nous avons souffert de la pénurie de composants électroniques. Nous avons par ailleurs, comme je l’ai dit, de très grosses commandes en Île-de-France.
Donc nous sommes en tension, mais cela ne nous empêche pas de livrer des trains aux Régions, comme en Normandie, ce qui permettra au passage à la Région Grand Est de récupérer les rames qui circulaient jusqu’alors dans le réseau normand. Puis en 2024 nous livrerons des Regio2N et le nouvel Omneo Premium à la Région Hauts-de-France, où ils sont d’ailleurs fabriqués.

Le nouveau tramway qui circule sur la ligne T10 à Paris, commandé par Île-de-France Mobilités. Photo Alstom.
RM : La mobilité est le seul secteur qui émet plus de CO2 qu’il y a 20 ou 30 ans. Le plan de relance du ferroviaire “à 100 milliards d’euros” présenté par la Première ministre Élisabeth Borne vous paraît-il suffisant pour faire face à ce constat ?
JBE : Ce programme d’investissement ne peut évidemment que nous satisfaire. On voit bien à quel point la qualité du service joue un rôle capital dans la fréquentation des transports en commun. Or le train impacte l’environnement 10 à 15 fois moins que les autres modes de transports.
Mais il reste beaucoup de chantiers : améliorer la qualité du réseau bien sûr, car il ne sert à rien de mettre des rames ultra-performantes sur un réseau vieillissant. Mais aussi renforcer les économies d’énergie, sur lesquelles nous sommes sans cesse en recherche de performance : nous parvenons à faire baisser de 15 à 20 % la consommation d’énergie, en adaptant la conduite par exemple.
Même chose pour les systèmes digitaux, car lorsqu’ils sont plus performants, cela permet de faire circuler davantage de trains, et donc de renforcer l’offre. Nous travaillons dans toutes ces directions à la fois.
Propos recueillis par Philippe Martin